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de correspondre avec le pape. Maury s’est toujours défendu d’y avoir participé. M. d’Asiros ne laissait échapper aucune occasion de rappeler au cardinal sa situation fausse et précaire d’administrateur. Un jour, il fit, de son autorité, rentrer la croix archiépiscopale indûment portée devant le prélat. Une autre fois, il échappa à Maury de dire : Mes grands vicaires. « Votre éminence veut parler, sans doute, des grands vicaires du chapitre, » reprit sévèrement le chanoine. Le cardinal répétait volontiers qu’il aimait mieux les coups de barre que les coups d’épingle. Nul n’ignorait les u coups d’épingle » qu’il recevait de M. d’Astros, et quand ce dernier fut conduit à Vincennes, tout le monde crut à une vengeance de l’archevêque nommé de Paris.

L’année 1811 fut doublement mauvaise pour Maury. Il avait donné l’année précédente une édition augmentée et définitive de son meilleur ouvrage : l’Essai sur l’éloquence de la chaire. Il voulut, comme on dit, joindre l’exemple au précepte. Il fit annoncer qu’il prêcherait la Passion à Notre-Dame. Ce fut un événement pour le Paris littéraire et mondain de l’époque. On se rappelait encore l’éloquent prédicateur de la cour de Louis XVI, on n’avait pas oublié le rival de Mirabeau à l’Assemblée constituante. Une foule énorme envahit la vieille basilique. La presse était telle que la princesse de Schwarzenberg, ambassadrice d’Autriche, ne put trouver d’autre siège que les degrés de la chaire. Grande fut la déception de tous. Ce n’était plus l’éloquent orateur d’autrefois, l’homme à la mémoire infaillible, l’improvisateur incomparable. C’était un vieillard lisant un factum ampoulé. Sentant lui-même la décadence, il renonça bientôt à reprendre la parole. Sa vie, du reste, n’est plus la brillante existence qu’il avait reprise en 1806. Soit qu’il veuille se réserver, soit qu’il redoute les appréciations désobligeantes dont il était si souvent l’objet, soit qu’il ait conscience de n’être plus l’homme d’autrefois, soit peut-être pour tous ces motifs ensemble, le cardinal Maury affecte une certaine austérité qui n’était pas dans ses habitudes. Il évite de se trop répandre dans le monde, comme absorbé par les devoirs de sa charge.

Dans la même année 1811, se réunissait à Paris le concile national convoqué par l’empereur pour presser sur la volonté du pape. Maury n’y joua qu’un rôle de comparse. Sans illusion sur la solidité des velléités de résistance que manifesta d’abord cette assemblée, il avait trouvé pour exprimer son sentiment une formule triviale, dont il était enchanté et qu’il répétait partout : « Notre vin n’a pas été trouvé bon en cercles, vous verrez qu’il sera meilleur en bouteilles. » Le plus triste, c’est que sa cynique prophétie fut réalisée. Il paraît être resté également