cette proposition qui semble au premier coup d’œil devoir former la première marche du trône. Quels étranges évêques nommerait Bonaparte ? Où les prendrait-il à moins qu’il ne voulût se servir d’eux pour détruire entièrement la religion ? Comment concilier le catholicisme avec les décades, avec les sermens, avec l’instabilité d’un clergé salarié, avec le divorce et les autres lois existantes, avec la destruction des collèges, des séminaires, etc. — « Si la proposition est sérieuse, conclut-il, ce sera une terrible affaire que nous aurons à traiter dans un mois. »
L’arrivée de cette dépêche à Mittau fut un coup de foudre. A la pensée de la réconciliation possible de la France avec le catholicisme, de la restauration du culte, de la réouverture des églises, à cette perspective consolante, semble-t-il, pour les âmes chrétiennes, le comte de Provence est pris à la fois de colère et de découragement. C’est un coup terrible, peut-être mortel, qui frappe ses espérances. Quelle sera sa raison d’être à l’avenir, et qui pensera encore aux Bourbons si la paix religieuse est rétablie en France ? A travers les réticences de son agent, le fils aîné de l’Église voit clairement la situation et ne se paie pas de mots : « Le pape a cru bien faire sans doute, écrit-il à Maury, mais, dans le fait, il s’est conduit comme un enfant. » Et avec cette clairvoyance que donne l’imminence du péril, il fait justice des objections du cardinal : — « Les décades, on les supprimera : Bonaparte a trop de bon sens pour ne pas sentir que le nouveau calendrier est détesté en France… Le serment, on l’abolira : le consul ne s’embarrasse pas d’une vaine formalité ; le divorce,.. on sanctionnera les mariages qui en ont été la suite et on l’abolira pour l’avenir. Si le premier consul se dégoûte d’une femme surannée que le débordement des mœurs et la guillotine ont placée dans son lit, s’il veut avoir des enfans, il trouvera facilement des nullités dans leur mariage. La destruction des collèges et des séminaires, on les rétablira… Voilà pourtant les difficultés entrevues en supposant quelque durée à la puissance de l’usurpateur. Elles sont faciles à lever ; mais il en est une plus forte et qui, dans le moment, est tout à la fois un motif d’espérances et de crainte : c’est le corps actuellement existant du clergé français. Le pape se résoudra-t-il à le sacrifier, exposera-t-il la France à un schisme plus terrible que celui dont il veut la tirer ? »
Cette lettre trouva Maury, non plus à Rome, mais à Montefiascone, où il était venu pour fuir les chaleurs de l’été. L’ambassadeur prit l’affaire plus froidement que son maître. Sans aller lui-même au Vatican, il rédigea une longue et savante note où il développe éloquemment l’argument suggéré par le chef de la maison de France, savoir la nécessité d’obtenir l’assentiment des évêques