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Le revirement a été accéléré par l’attaque brusque dirigée à Berlin contre les fonds russes et surtout contre le rouble-papier. Le billet de banque russe valait, il y a quelques semaines, 215 marks. Des offres continues l’ont fait reculer à 200 ; à Paris, la cote de 205 francs faisait place à celle de 247.50. Le mouvement s’est arrêté, et les rentes russes à leur tour se sont raffermies. L’emprunt d’Orient, après avoir reculé de 66 à 64.80, reste à 65.15 ; le consolidé k pour 100 a détaché un coupon trimestriel de 1 pour 100 ; de 95.60, il devait revenir normalement à 94.60 ; il finit à 94.20 après 93.75. Le 3 pour 100 1891 est en réaction d’une demi-unité à 77.20.

On sait que des coupons d’intérêt et de dividende sont mis en paiement en juillet sur un très grand nombre de valeurs. Il est impossible, en tout temps, de préjuger dans quelle mesure les disponibilités créées par ces paiemens peuvent prendre le chemin de la Bourse pour y exercer sur les cours une influence que la spéculation se hasarde souvent à escompter. Elle ne semble pas s’en soucier actuellement. D’une part, trois émissions sont lancées ce mois-ci, l’une d’elles, d’une grande importance, celle du Crédit foncier : il est vrai que ces émissions ont pour objet principal des conversions, des échanges de titres bien plus que des appels de capitaux nouveaux ; elles n’en exigent pas moins des mouvemens de fonds qui peuvent retarder les placemens directs sur le marché. D’autre part, les cours paraissent bien élevés partout, et la tendance n’est pas à une progression nouvelle. Rien ne sollicite donc les capitalistes à un emploi rapide de leurs rentrées.

Les affaires sont paralysées en Angleterre par les élections générales. Aucune impulsion ne vient de ce côté. Le Stock-Exchange a même abandonné les fonds argentins qu’il avait poussés quelque temps, à la faveur d’une diminution assez notable de l’agio de l’or. Les prix sont retombés presque au plus bas.

Parmi les autres fonds internationaux, l’Extérieure, l’Italien et les valeurs turques ont fortement baissé. La spéculation indigène, à Madrid et à Barcelone, avait relevé l’Extérieure avec une maestria qui pouvait faire illusion, de 57 à 68. Rien ne justifiait ce mouvement, pas même la perspective du vote, par les cortès, d’un emprunt de 150 millions qui n’aurait couvert qu’une partie de la dette flottante. Or les cortès n’ont pas voulu voter cet emprunt ; les impôts nouveaux, plus vexatoires que productifs, sur les opérations de Bourse ou sur les ventes de denrées alimentaires, ont provoqué une émeute populaire et une grève d’agens de change. La situation de la Banque d’Espagne ne cesse de s’aggraver, la circulation fiduciaire s’accroissant tandis que l’encaisse métallique reste stationnaire ; l’agio de l’or se tend à 15 pour 100. Immédiatement après le détachement du coupon de 1 pour 100, le caractère factice de la hausse de l’Extérieure s’est accusé ; ce fonds est aujourd’hui ramené de 67 à 62 1/2.