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qu’une science descriptive, elle ne trouve ses explications que dans la chimie. La minéralogie n’est-elle donc pas une science ? L’anatomie, et en grande partie l’histoire naturelle sont des sciences descriptives ; ne sont-ce pas des sciences ? Est-ce qu’il n’a pas été toujours été reconnu qu’avant d’expliquer les faits, il faut les connaître, et par conséquent les décrire ? A quoi servirait-il de perfectionner les moyens d’explication si l’on perdait le sens des faits à expliquer ? Or, c’est la psychologie subjective qui seule peut nous donner les faits qui sont la matière de l’explication.

Est-il vrai maintenant de dire que la psychologie ne soit que descriptive et non explicative ? C’est une erreur. La psychologie a à sa disposition deux moyens d’explication qui lui sont propres, et sans lesquels il est impossible de faire un pas dans la science : 1° un mode d’explication mécanique par l’association des idées (Hume, Mille, Bain, H. Spencer) ; 2° un mode d’explication dynamique par l’intervention de l’activité de l’esprit dans les phénomènes passifs (Leibniz, Maine de Biran, Laromiguière).

Ces deux modes d’explication sont si légitimes que, la plupart du temps, les prétendues explications physiologiques consistent à les transporter purement et simplement dans le cerveau et dans les cellules nerveuses, en admettant tantôt un mécanisme, tantôt un dynamisme cérébral, très souvent mêlés ensemble, et qui ne sont que la traduction objective et matérielle du mécanisme et du dynamisme mental. Par exemple, on supposera une faculté de réminiscence dans les cellules nerveuses parce qu’on sait que les idées renaissent dans l’esprit par la mémoire. On expliquera la sensation d’effort par le travail du cerveau, sans se demander ce que c’est qu’un travail et si ce n’est pas une tension de l’activité telle que nous la sentons en nous-mêmes quand nous avons la sensation d’effort. Ici les faits objectifs n’auraient aucune signification si nous né les traduisions en faits de conscience. Ce qui le prouve, c’est que les cartésiens ont expliqué exactement de la même manière qu’on le fait aujourd’hui les faits de mémoire et d’imagination, quoique leur science du cerveau fut absolument dans l’enfance, c’est qu’ils traduisaient, comme les psycho-physiologistes actuels, les faits subjectifs en faits objectifs, qu’ils ne connaissaient pas directement, mais qu’ils imaginaient à la ressemblance des faits subjectifs.

D’ailleurs la physiologie d’aujourd’hui ne fait guère autre chose que de constater le siège des faits : elle en donne la topographie, mais la topographie n’est pas une explication. Je ne dis pas qu’elle ne puisse fournir un moyen d’analyse ; par exemple, la distinction des cinq sens vient de la distinction des organes que l’expérience vulgaire suffit à nous faire connaître. Mais dans bon nombre de cas,