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d’avance réfuté cette objection en distinguant la physiologie ou biologie de l’histoire naturelle et de la pathologie.

En effet, n’est-il pas évident que la physiologie, tout comme la psychologie, ne s’occupe que de l’homme adulte, et ne traite que secondairement des différens âges ? Par exemple, elle étudie à fond les fonctions génératrices ; or ces fonctions n’ont pas lieu dans l’enfance et elles n’ont plus lieu dans la vieillesse. De même, la physiologie n’étudie que l’homme sain, et cela est nécessaire : car comment comprendre la pathologie ou la science de l’état anormal, sans comparaison avec l’état normal ? Et saurait-on ce que c’est que la maladie, si on ne connaissait pas la santé ? Enfin, comment la thérapeutique serait-elle possible, c’est-à-dire comment pourrait-on ramener l’homme de l’état pathologique à l’état normal, si on ne connaissait pas ce dernier état ?

On ne voit donc pas pourquoi on n’appliquerait pas à la psychologie ce que l’on accorde pour la physiologie. Ce qu’il y a de surprenant, c’est que c’est Auguste Comte lui-même qui a posé sur ce point les vrais principes.’ « Sans doute, dit-il, il était non-seulement inévitable, mais encore rigoureusement indispensable que la biologie commençât par un tel point de départ (la considération de l’homme), afin de se constituer une unité fondamentale qui pût servir ensuite à la coordination systématique de la série entière des cas biologiques. Un tel type ne pouvait en effet, sous peine de nullité radicale, être arbitrairement choisi ; et ce n’est point uniquement, ni même principalement comme le mieux connu et le plus intéressant que le type humain a dû être nécessairement préféré : c’est surtout par la raison profonde qu’il offre en lui-même le résumé le plus complet de l’ensemble de tous les autres cas. Ainsi, une première analyse de l’homme envisagé à l’état adulte et au degré normal sert à former la grande unité scientifique suivant laquelle s’ordonnent les termes successifs de la série biologique. » Ainsi, l’objet de la physiologie, c’est bien, suivant Comte, l’homme adulte et normal, précisément le même qu’il reproche aux psychologues d’avoir étudié intellectuellement. C’est là, dit-il, l’unité fondamentale dont on étudiera plus tard les variations et les dégradations. Mais en psychologie aussi n’a-t-on pas besoin d’un type et d’une variété fondamentale ? L’homme adulte, c’est l’homme complet, l’homme arrivé au plein développement de sa nature. Sans doute la physiologie exige l’étude des différens âges et même doit remonter plus haut, jusqu’à l’embryon : mais doit-on confondre la physiologie avec l’embryologie ? Sans doute encore l’idée de développement et d’évolution a dû s’introduire dans la science, et la méthode comparative, comme l’a remarqué Auguste Comte, a