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d’Aristote, c’est la même science qui s’occupe des contraires : ainsi, la morale est à la fois la science du bien et du mal ; la logique, science du vrai et du faux ; la métaphysique, la science de l’être et du non-être. La psychologie, par analogie, pourra être à la fois la science du conscient et de l’inconscient. Il faut d’ailleurs ajouter que la psychologie ne peut pas être la science de l’inconscient en général, mais de l’inconscient en tant qu’il est vraiment en rapport avec le conscient, intercalé dans la série du conscient, servant à expliquer le conscient ; autrement, si l’on négligeait cette restriction, la psychologie embrasserait tous les phénomènes de l’univers. Ce n’est donc qu’en tant qu’ils peuvent devenir faits de conscience, que les phénomènes inconsciens peuvent rentrer dans la même science que les faits de conscience proprement dits. Pour rappeler un exemple devenu classique, le philosophe écossais Hamilton, traitant de ce sujet, nous dit : « Il me vient à l’esprit un cas, dont j’ai été récemment frappé. Je pensais à la montagne du Ben-Lomond, et cette pensée fut immédiatement suivie de la pensée du système d’éducation prussienne ; il n’y avait pas moyen de concevoir une connexion entre ces deux idées en elles-mêmes. Cependant un peu de réflexion m’expliqua l’anomalie. La dernière fois que j’avais fait l’ascension du Ben-Lomond, j’avais rencontré à son sommet un Allemand ; et bien que je n’eusse pas conscience des termes intermédiaires entre Ben-Lomond et les écoles de Prusse, ces termes étaient indubitablement : Allemand, — Allemagne, — Prusse ; et je n’eus qu’à les rétablir pour rendre évidente la conscience des extrêmes. » Dans ce cas, on voit clairement que l’inconscience est ce qui n’est pas actuellement dans la conscience, mais ce qui y a été, ce qui en a disparu, ou ce qui peut y rentrer : c’est l’analogue du conscient.

La définition de Jouffroy n’exclut pas davantage d’autres faits qui ne sont pas des faits de conscience, qui même sont des faits objectifs, des faits externes proprement dits, mais qui pourraient être nécessaires pour la description exacte des faits internes, par exemple, certaines données physiologiques qui accompagnent toujours, suivant les uns, fréquemment suivant les autres, les phénomènes de conscience. En tant que ces conditions peuvent être indispensables pour l’analyse et la description même des faits mentaux, la science des faits de conscience est implicitement autorisée à les utiliser ; et, pour employer un exemple très simple, aucun psychologue, même de l’école de Jouffroy, ne se fera scrupule de distinguer la vision de l’audition, en signalant les organes différens auxquels ces deux fonctions sont associées ; et, lorsque l’on distingue les sens et les organes des sens, on ne peut