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Chascun s’esbat au mieulx mentir
Et voulentiers je l’apprendroye,
Mais maint mal j’en voy advenir,
Parquoy savoir ne le vouldroye…
.........
Paix crie ; Dieu la nous ottroye !
C’est ung trésor qu’on doit chérir,
Tous bien s’en peuvent ensuir.
Si faulceté ne s’y employe.


On serait moins tenté d’appliquer ces vers à François Villon, si l’on ne savait qu’il lut menteur en attitude et en action, littérairement et avec ses compagnons. Il paraît peu douteux que Charles d’Orléans ait esquissé son portrait dans ce rondeau, qui fait nettement allusion aux deux premiers vers du Grand Testament.


En l’an de mon trentiesme aage,
Que toutes mes hontes j’eus beues…


Voici la pièce du duc d’Orléans :


Qui a toutes ses hontes beues,
Il ne lui chault que l’on lui die.
Il laisse passer mocquerie
Devant ses yeulx, comme les nues.

S’on le hue par my les rues,
La teste hoche à chiere lie.
Qui a toutes ses hontes beues,
Il ne lui chault que l’en lui die.

Truffes sont vers lui bien venues ;
Quant gens rient, il faut qu’il rie ;
Rougir on ne le ferait mie ;
Contenances n’a point perdues
Qui a toutes ses hontes beues.


Ce portrait est grave et triste. On n’est point surpris que le prince austère ait été choqué par la bouffonnerie forcée de François Villon. Deux esprits si diflérens ne pouvaient guère se comprendre ni s’aimer. Puis nous ne savons pas si Villon ne provoqua pas la mésestime du duc d’Orléans.

Il ne put rester à Blois, bien qu’y ayant à la maison ducale « les gages. » Il se dirigea vers le Bourbonnais. Nous savons qu’il passa à Saint-Satur, sous Sancerre, parce qu’il y releva une inscription tombale très naïve, qu’il replaça dans le Grand Testament. L’indication topographique, ainsi que l’a montré M. Longnon, est rigoureusement exacte, puisque Saint-Satur est au pied de la montagne