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Robert d’Estouteville intercédèrent et payèrent à la chancellerie royale pour avoir des lettres de rémission. Avec sa prudence habituelle, François Villon fit présenter deux requêtes, sous deux noms différens, à Paris et à Saint-Pourçain. La chancellerie délivra, au mois de janvier 1456, deux lettres de rémission pour le meurtre du prêtre Philippe Sermoise, aux noms de François des Loges, dit de Villon, et de François de Montcorbier. La seconde relevait Villon de la peine de bannissement prononcée contre lui par le parlement et le poète put regagner Paris. Il ne semble pas qu’il ait changé de conduite pendant cette année. Le vagabondage et la vie des coquillards avaient laissé en lui une forte impression. On peut penser qu’il fréquenta beaucoup avec ses mauvais amis le Trou-Perrette, qui était une maison de jeu de paume ou un tripot, dans la rue aux Fèves, en face de la Pomme-de-Pin. Il avait besoin de beaucoup d’argent. Les gains faciles de la Coquille lui avaient donné l’habitude de la dépense, et il s’était épris de Catherine de Vaucelles qui était insatiable. Il semble bien que cette Catherine est la même que Rose, à qui Villon lègue une bourse de soie pleine d’écus, « combien qu’elle ait assez monnoye. » Mais il est difficile de rien affirmer à cet égard. Il eut avec elle une triste aventure, où il fut battu « comme la toile au ruisseau, » et on le railla publiquement, puisqu’on l’appelait partout « l’amant remis et renyé. » Cependant, à Noël 1456, lorsqu’il se plaint de sa maîtresse, dont il a pris « en sa faveur les doux regards et beaux semblans, » mais qui lui a été « félonne et dure, » il est peu probable qu’il dise la vérité. Il invoque avec douleur celle qui veut sa mort ; il déclare qu’il va la fuir, n’ayant plus la force de supporter ses feintes, et qu’il part pour Angers afin de se séparer d’elle. Son voyage à Angers avait, comme on va le voir, d’autres raisons ; si bien qu’on est tenté d’admettre que la cruelle amoureuse n’exista guère qu’à la façon de la Dame d’amour dont se plaignaient si assidûment les poètes de ce temps. Villon dessina cette figure avec des traits plus réalistes, comme il convenait à son talent ; mais il tint sans doute à employer un procédé poétique dont s’étaient servis tous ses prédécesseurs, dans cette satire du Petit Testament où il essayait de railler la manière d’Alain Chartier.

Au mois de décembre l/i56, Villon errait à travers la cité avec Cohn de Gayeux. Ils passaient de la taverne de la Chaire au Petit-Pont, à l’hôtellerie de la Mule, en face de l’église des Mathurins. Ils soupaient au Trou-de-la-Pomme- de-Pin, « le dos aux rais, au feu la plante, » car le Noël est « morte saison, où les loups se vivent de vent, » où les gens se tiennent cois, enfermés et tisonnent l’âtre. On voyait avec eux maître Guy Tabarie, clerc, qui