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trois coquillards furent bouillis vivans dans une chaudière sur la place du Morimont, à Dijon, comme faux-monnayeurs, et six autres traînés et pendus aux fourches de la ville. Parmi ces derniers était Jaquot de la Mer. Le procureur, Jehan Rabustel, ne se contenta pas de cette exécution. Il nota de sa main les noms de plus de soixante-dix affiliés de la Coquille et les signala aux justices des villes de France. Ainsi Christophe Turgis fut emprisonné à Sens et interrogé par commission rogatoire de Dijon. Plus tard, à mesure que Jehan Rabustel reçut la nouvelle de l’exécution des criminels qu’il avait dénoncés, il inscrivit en face de leurs noms leur mort et le genre du suppUce : bouilli, pendu, jeté en un puits, etc., suivant la coutume du royaume ou des provinces. Il y en eut de suppliciés à Lyon, à Grenoble, à Amiens, à Avignon. Près du nom de Régnier de Montigny figure la mention : mort et pendu. Pourtant, la procédure de 1455 ne paraît pas avoir détruit la société de la Coquille. Certains malfaiteurs, Tassin et Andet de Durax, ne furent pris et exécutés à Dijon même que dans les années 1456 et 1457. En juillet 1458, Jehan Rabustel demanda au maire de Dijon un édit sévère contre plusieurs « compaignons incognuz qui sont oyseulx, lesquels ne font que aler et venir parmy cestedite ville par nuyt et par jour; et ne savent les aucuns que de jouer les ungs aux dez, les autres à la paume et à plusieurs aultres jeux et les aultres que de ruffîanaige. » Ces vagabonds se retiraient aussi dans l’ancien hôtel de Jaquot de la Mer. Ils avaient les mêmes mœurs que les coquillards, et sans doute cette nouvelle compagnie de 1458 n’était qu’une autre partie de la bande. En effet, un document[1] conservé aux archives de Dijon montre que les coquillards circulaient encore librement dans la ville et les environs en juillet 1459. On disait que les clercs chantant au chœur de la Sainte-Chapelle du duc de Rourgogne étaient affiliés à la Coquille. Ils menaient une vie dissolue et se mêlaient aux compagnons inconnus qui troublaient Dijon la nuit. Le 25 juillet 1459, une douzaine de ces clercs de la Sainte-Chapelle, étant en gaîté, sortirent à dix heures du soir, affublés de draps blancs, de « couvrechiefz et autres desguisemens, » prirent dans une taverne un gros fagot de branches sèches qu’ils traînèrent par la ville en criant et chantant. Près de la porte Saint-Pierre, ils virent l’huis de l’hôtel d’un boulanger encore ouvert. Il y avait une chandelle allumée dans l’ouvroir , et le valet tirait de l’eau à un puits dans la rue. Les clercs crièrent au valet d’aller se coucher et lui jetè-

  1. Cette pièce m’a été signalée par M. Bernard Prost, et elle a été copiée par M. George Dottin, maître de conférences à la Faculté des lettres de Dijon.