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de jeu, où l’obéissance à un chef est la première condition de la victoire. On voit que les « championnats, » tant décriés, n’ont pas eu, au point de vue moral, des effets aussi désastreux qu’on semble le dire. Au point de vue intellectuel, il a été prouvé que le surcroît de temps consacré aux jeux n’entraînait nullement l’abaissement du niveau des classes. Les établissemens qui se signalaient par leurs succès dans les championnats n’en ont pas moins eu leur contingent habituel de lauréats dans les concours généraux et de candidats admis aux grandes écoles de l’enseignement supérieur. Ceux des élèves qui occupent les premières places dans les luttes scolaires ne sont peut-être pas toujours à la tête des épreuves athlétiques, mais cela n’est pas nécessaire, pourvu qu’ils y participent et que leur santé y trouve son profit. Quant à ceux qui se distinguent dans les exercices physiques et laissent à désirer dans leurs études, il n’y a aucune raison d’attribuer à leur ardeur pour le jeu leur peu de zèle pour le travail. Sous tous les régimes d’éducation, il y a de bons et de mauvais élèves, et, au surplus, s’il s’agit d’enfans qui refusent de fixer leur attention sur les travaux scolaires, le jeu est encore la moins dangereuse des distractions sur lesquelles ils puissent la reporter.

A côté des expériences pratiques que nous venons de rappeler brièvement, le côté théorique de l’éducation physique n’a pas été négligé. Une commission composée de spécialistes, d’hommes de pédagogie et d’hommes de science a été réunie au ministère de l’instruction publique sous la présidence de M. Marey, professeur au Collège de France, et chargée de réviser les anciens programmes de gymnastique. Les travaux de cette commission ont abouti à la rédaction d’un nouveau manuel qui doit servir de guide, depuis le commencement de cette année, à l’application des exercices du corps dans les établissemens de l’État. Ce manuel a fait subir des modifications très importantes aux anciens programmes de gymnastique. La principale consiste dans l’adjonction des jeux aux exercices méthodiques de la gymnastique proprement dite. Cette innovation n’a pas été acceptée sans de vives discussions et de sérieuses enquêtes. Avant de se décider à en reconnaître la nécessité, la commission voulut avoir des documens pratiques, et trois délégués, dont nous avions l’honneur d’être l’un furent chargés d’une mission en Belgique pour étudier l’installation des jeux dans les écoles primaires de la province de Dinant. A leur retour, les délégués n’eurent pas de peine à convaincre leurs collègues des résultats satisfaisans observés par eux dans les écoles belges où le colonel Docx avait, depuis dix ans déjà, remplacé la gymnastique par les jeux. La valeur de cette méthode d’éducation physique fut