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substituer les exercices vraiment adaptés aux aptitudes et aux besoins hygiéniques de l’enfant, c’est-à-dire les jeux de plein air. »

Est-ce à dire pour cela que la gymnastique méthodique doive être absolument délaissée ? Il s’en faut de beaucoup que telle soit notre pensée. Cette forme d’exercice, qui ne convient pas aux enfans, ni aux tout jeunes gens, est excellente pour ceux qui ont achevé leur croissance et qui ont le temps et le goût de développer leurs muscles à l’extrême. La gymnastique est une excellente préparation au service militaire, et peut rendre les plus grands services à ceux qui veulent s’endurcir par l’entraînement aux fatigues de la vie du régiment. Mais il suffit de s’y mettre vers la dix-huitième année, c’est-à-dire à la fin des études.

En résumé, les exercices artificiels et difficiles sont aux exercices naturels ce que, dans l’ordre intellectuel, l’enseignement supérieur est à l’enseignement primaire et secondaire. L’éducation physique a des « degrés » aussi bien que l’éducation intellectuelle, et la faute qu’on a commise jusqu’à ce jour, c’est d’avoir interverti ces degrés.


IV

Ce n’est pas chose facile, il faut l’avouer, que d’évaluer au juste l’étendue des progrès réalisés depuis qu’il est question d’une réforme dans l’éducation physique. Suivant les uns, nous serions bien loin encore d’avoir atteint le but ; selon d’autres, nous l’aurions déjà de beaucoup dépassé.

Voici en quels termes s’exprimait le général Lewal, dans un mémoire présenté au concours du prix Bischoffsheim, et couronné par le ministère de l’instruction publique, au mois de mars 1890. — « On surcharge les enfans de connaissances, mais on réduit leur corps à l’inaction. On les affine, mais on les étiole. Conséquence : décadence physique et décadence morale. Au point de vue physique, le recrutement de l’armée s’amoindrit, la taille s’abaisse ; la marche fatigue davantage ; le sac paraît plus lourd aux épaules. Au point de vue moral, l’énergie, l’esprit d’aventure, la résolution ont manifestement diminué. Nos jeunes hommes déséquilibrés sont à la fois des initiés et des impuissans, et certains maudissent l’existence dont ils ne savent pas tirer parti… Il faut réveiller le goût des exercices physiques, et pour cela faire appel chez les enfans à l’amour-propre et au goût de la lutte. Ces deux passions sont fécondes. Pour les susciter, il faut demander le concours de la presse, des journaux, des livres. Il faut créer des