Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 112.djvu/369

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

beaucoup de travail sans lui demander beaucoup d’efforts. Il en est tout autrement des mouvemens adoptés par la gymnastique proprement dite. Celle-ci ne tend pas, en général, à rechercher les associations de muscles qu’on appelle en physiologie des « synergies, » mais plutôt à les éviter en vue d’augmenter l’effort des muscles mis en œuvre, en supprimant le concours des autres muscles. L’homme qui grimpe à la corde, à la force des poignets, n’associe pas ses jambes à l’effort de ses bras, comme la nature le porterait à le faire ; il supprime cette « synergie » et augmente ainsi son effort, sans augmenter, remarquons-le, son travail, car ce travail n’est autre chose que le produit du poids du corps multiplié par la hauteur à laquelle il a grimpé.

Le propre des jeux, c’est donc de faire produire au corps humain beaucoup de travail sans grand effort. Or, ce qui est hygiénique dans l’exercice, ce n’est pas l’effort, mais bien le travail. Plus nous faisons de travail, plus nous activons les grandes fonctions vitales et, notamment, la respiration et la circulation du sang. Mais si le travail rend ces deux grandes fonctions plus actives, l’effort, au contraire, les entrave. Par un mécanisme que nous ne pouvons étudier ici, tout effort intense vient se répercuter sur le poumon, sur le cœur et sur les gros vaisseaux sanguins. Faisons effort pour soulever un fardeau pesant, pour briser entre nos mains un bâton qui résiste, et nous sentons les muscles de la poitrine et du ventre se raidir et comprimer violemment le poumon, ainsi que le cœur et les gros vaisseaux sanguins. La respiration se suspend, le sang reflue vers les veines qu’on voit se gonfler sur le cou et le front. Cette pression violente n’est pas toujours sans danger quand les artères sont devenues fragiles, comme chez les vieillards.

Nous avons pris pour type de notre démonstration le jeu de paume, comme le plus célèbre et le plus français de nos jeux. Tous les jeux où l’on lance des projectiles soit en l’air, soit en rasant le sol, ne sont que des variantes du jeu de paume, et nos conclusions les visent aussi bien que celui-ci. La balle, le ballon, le cricket, la crosse, le mail, etc., diffèrent de la paume par leurs détails d’exécution, mais nullement par leurs effets physiologiques.

Il est une foule d’autres jeux plus simples et plus faciles encore et qui ne sont pas moins hygiéniques. Les jeux les plus élémentaires de tous, les jeux de « poursuite » que les enfans improvisent d’instinct, — aussi bien du reste que les jeunes animaux, — ne sont pas moins efficaces que les jeux plus savans, pour activer la respiration et la circulation du sang. C’est que ces jeux