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vitales. Or tout le monde a pu remarquer combien les exercices violens augmentent le besoin de respirer. Le résultat de ce surcroît de respiration est de faire absorber à l’enfant une plus grande quantité d’air. On a calculé qu’un enfant qui court absorbe sept fois plus d’air que l’enfant immobile. Cette plus grande consommation d’air atmosphérique est, en résumé, le bénéfice essentiel de l’exercice musculaire, car l’air renferme un principe dont le rôle est capital dans la nutrition, l’oxygène. L’oxygène est l’excitant par excellence de toutes les fonctions vitales. De curieuses expériences ont démontré que le contact d’un sang très riche en oxygène réveille en quelque sorte toutes les propriétés vitales des organes avec lesquels il est mis en contact. Dans les expériences de vivisection, si l’on injecte à un muscle vivant du sang dépouillé d’oxygène, on voit ce muscle perdre immédiatement sa force et se comporter comme un muscle fatigué. Si, au contraire, on injecte dans un muscle fatigué et devenu incapable d’agir un courant de sang surchargé d’oxygène, ce muscle recouvre aussitôt sa force et peut de nouveau entrer en contraction et exécuter du travail. M. Brown-Séquard, l’éminent physiologiste, a fait une expérience bien plus probante encore, au sujet du pouvoir vivifiant du sang oxygéné. Il a pu ramener pendant quelques secondes toutes les apparences de la vie dans la tête d’un chien décapité, en injectant dans les artères carotides un courant de sang très riche en oxygène. Les modifications vitales que produit l’exercice musculaire chez l’enfant étiolé par une vie trop sédentaire sont dues justement à l’introduction dans le sang d’une plus grande quantité d’oxygène.

Si l’oxygène que nous respirons a, dans le fonctionnement des organes, un rôle d’une telle importance, on comprendra sans peine la gravité du troisième reproche que nous avons fait à notre système scolaire actuel, le reproche de tenir trop longtemps l’écolier enfermé et privé d’air pur. L’air d’une salle d’étude, en effet, est loin d’avoir les qualités hygiéniques de l’air naturel du « grand air. » C’est un air en quelque sorte frelaté, dont la partie la plus essentielle à la vie, l’oxygène, a été déjà en partie soustraite par la respiration des enfans entassés dans le même local, et a été remplacée par des produits de « désassimilation » que le poumon rejette à chaque expiration. On a beau cuber l’espace théoriquement nécessaire à chacun, jamais l’air d’une salle habitée par quarante enfans ne sera aussi riche que l’air d’un jardin ; jamais il ne sera aussi pur.

Un mot sur ces deux qualités essentielles de l’air respirable, sa richesse et sa pureté.