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l’Académie d’une toute autre façon qu’on ne l’entendait précédemment. Il ne s’agit plus de doter nos jeunes gens de brillantes qualités physiques, d’en faire de jeunes athlètes, beaux et forts, comme les Grecs antiques. Il ne s’agit plus même de préparer au pays de précoces défenseurs, qui soient capables de faire la guerre avant l’époque où l’on a coutume de les appeler sous les drapeaux. Ces exagérations qui, certainement, avaient nui à la cause de l’éducation physique, font place à une froide constatation scientifique : le régime auquel sont soumis nos enfans en a fait des malades, et l’exercice physique est le remède auquel il faut demander pour eux le retour à la santé. Le rapport de l’Académie de médecine était un véritable cri d’alarme nous avertissant de l’imminence d’un danger, et c’est à partir du jour où ce danger a été nettement signalé que la nécessité d’une réforme s’est imposée à l’esprit public.

Mais il est plus facile de reconnaître le mal que d’appliquer le remède. Si nous en croyions quelques partisans endurcis de l’ancien état de choses, nous nous trouverions, en présence des prescriptions de l’Académie, à peu près dans la situation de ces malades indigens n’ayant pas même de quoi s’acheter du pain, et à qui le médecin s’aviserait de prescrire des viandes succulentes et des vins généreux. Il faut consacrer plus de temps aux exercices physiques ; mais ce supplément de temps, où le prendrons-nous ? — Sur les heures consacrées au travail intellectuel, leur répond-on. — Mais les programmes sont tellement surchargés, que les longues heures d’études suffisent à peine, et que les classes sont trop courtes pour permettre à chaque professeur d’aller jusqu’à la fin de son enseignement. Parlera-t-on de réformer les programmes d’études ? Mais une réforme partielle entraînerait, de l’avis des hommes spéciaux, un remaniement complet dans tout notre système d’éducation. Et en présence de ces difficultés pratiques, une réaction déjà se fait dans beaucoup d’esprits. On discute les conclusions de l’Académie de médecine, et on se demande si le travail cérébral des enfans est réellement excessif. Des médecins avaient-ils qualité pour juger cette question, qui est plutôt du ressort de la pédagogie ? Le surmenage ne s’observe, en réalité, que chez certains enfans exceptionnellement laborieux, ou bien dans les périodes, relativement courtes, qui précèdent certains concours. Si l’on en juge par la majorité des élèves et non par les exceptions, il n’y a pas surmenage ; — et, s’il n’y a pas surmenage, pourquoi diminuer le travail ?

C’est là le principal argument des adversaires d’une réforme de l’éducation physique, et nous devons, avant d’aller plus loin, examiner quelle en est la portée.