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maison, pour le bon ordre à domicile dont ils étaient responsables, pour le maintien du respect et la préservation des mœurs. C’est pourquoi, avant les lois de 1882 et de 1886, les conseils municipaux, encore libres de choisir à leur gré l’enseignement et les maîtres, confiaient souvent leur école à des Frères ou à des Sœurs, par contrat, pour tant d’années, à tel prix et d’autant plus volontiers que ce prix était très bas[1]. Par suite, en 1886, il y avait, dans les écoles publiques, 10,029 Frères enseignans et 39,125 Sœurs enseignantes. Or, depuis 1886, la loi veut, non-seulement que l’enseignement public soit purement laïque, mais encore qu’il ne soit donné que par des laïques ; en particulier, les écoles communales seront toutes laïcisées, et, pour achever cette opération, la législateur fixe un délai ; ce délai passé, aucun congréganiste, religieux ou religieuse, ne pourra enseigner dans aucune école publique.

Cependant, chaque année, en vertu de la loi, des écoles communales sont laïcisées par centaines, de gré ou de force ; là-dessus, quoique l’affaire soit locale au premier chef, les conseils municipaux ne sont pas consultés ; sur cet intérêt privé, domestique, qui les touche à vil et en un point si sensible, les chefs de famille n’ont pas voix délibérative. Pareillement, dans les frais de l’opération, leur part leur est imposée d’office : aujourd’hui[2], dans le total des 131 millions que coûte chaque année l’instruction primaire, les communes contribuent pour 50 millions ; de 1878 à 1891, dans le total des 582 millions dépensés en constructions scolaires, elles ont contribué pour 312 millions. — Si ce système déplaît à certains parens, qu’ils se cotisent entre eux, qu’ils bâtissent à leurs frais une école privée, qu’ils y entretiennent à leurs frais des Sœurs ou des Frères ; cela les regarde ; ils n’en paieront pas un sou de moins à la commune, au département, à l’État, en sorte que leur charge sera double et qu’ils paieront deux fois, d’abord pour l’instruction primaire qu’ils repoussent, ensuite pour l’instruction primaire qu’ils agréent. — Dans ces conditions, des milliers d’écoles privées se sont fondées : en 1887[3], elles avaient

  1. Journal des Débats, 1er septembre 1891, Rapport de la commission de statistique : « En 1878-79, le nombre des écoles congréganistes était de 23,625 avec 2,301,943 élèves. »
  2. Bureaux de la direction de l’instruction primaire, budget de 1892.
  3. Exposition universelle de 1889. Rapport général, par M. Alfred Picard, t. IV, p. 367. — A la même date, le chiffre des élèves dans les écoles publiques était de 4,500,119. — Journal des Débats, n° du 12 septembre 1891, Rapport de la commission de statistique : « De 1878-79 à 1889-90, 5,063 écoles congréganistes publiques ont été transformées en écoles laïques ou supprimées ; à l’époque de leur transformation, elles comptaient en tout 648,824 élèves. — A la suite de cette laïcisation, 2,839 écoles congréganistes privées se sont ouvertes en concurrence et comptent, en 1889-90, 354,473 élèves. » — « Dans l’espace de dix années, l’enseignement public laïque a gagné 12,229 écoles et 973,380 élèves ; l’enseignement public congréganiste a perdu 5,218 écoles et 550,639 élèves. D’autre part, l’enseignement congréganiste privé a gagné 3,790 écoles et 413,979 élèves. »