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morales de leurs hommes ; puis il donna la parole au général Soleille. Le commandant supérieur de l’artillerie, dont l’opinion, le 16 août, après la bataille de Rezonville, avait servi de prétexte au premier mouvement de retour sur Metz, se déclara nettement pour l’expectative en alléguant, d’abord la fatigue de l’armée, puis l’importance stratégique de la position qu’elle occupait, sur les derrières de l’ennemi, avec cet avantage d’immobiliser les deux cent cinquante mille hommes du prince Frédéric-Charles. A son tour, le général Coffinières, qui était à la fois commandant supérieur du génie de l’armée et gouverneur de Metz, conclut comme le préopinant, mais pour un autre motif, à savoir l’urgence de compléter les défenses de la place et surtout des forts qui n’étaient pas en état de soutenir une attaque de vive force. Les argumens des généraux Soleille et Coffinières ayant visiblement frappé les autres membres du conseil, le maréchal recueillit aussitôt les voix qui allèrent à l’expectative. Comme, pendant cette délibération prolongée, un violent orage avait inondé les terres, il fut convenu que le mauvais temps serait allégué comme raison du contre-ordre que les troupes allaient recevoir. Ainsi échoua cette première velléité de rentrée en campagne.

Le 30 août, une rumeur se propagea que, parti du camp de Châlons avec une armée refaite, le maréchal de Mac-Mahon arrivait à la rescousse. La journée du lendemain fut d’abord la répétition de la prise d’armes du 26, concentration sur la rive droite de la Moselle et réunion du conseil au château de Grimont. Là, en effet, le maréchal Bazaine donna lecture de deux dépêches annonçant la marche de l’armée de Châlons sur la Meuse ardennaise, puis il fit connaître à ses lieutenans la part que chacun d’eux allait prendre aux opérations dont l’objectif était d’abord la trouée des lignes allemandes, puis Thionville. A deux heures, les commandans des corps étaient à la tête de leurs troupes. Le maréchal Le Bœuf devait commencer l’attaque, au signal d’un coup de canon tiré sur l’ordre du général en chef. Celui-ci parcourait le terrain, faisant construire des épaulemens de batteries, rectifiant la direction des têtes de colonnes. Le temps passait ; trois heures sonnèrent, puis quatre heures ; alors seulement le maréchal Bazaine parut s’étonner de l’inaction du 3e corps ; il semblait avoir oublié que c’était lui-même qui s’était réservé de donner le signal ; une observation du général Jarras lui rendit la mémoire ; le coup partit et l’action s’engagea. Il était bien tard. Aux dernières lueurs du jour, les Allemands pétaient chassés de Noisseville, de Servigny et de Villers-l’Orme ; malheureusement, pendant la nuit, les troupes qui occupaient Servigny, attaquées par l’ennemi en force, ne purent s’y maintenir et le village fut perdu. Le 1er septembre, un épais