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ensemble le commandant Lonclas, aide-de-camp du maréchal Canrobert, et le capitaine de La Tour du Pin, aide-de-camp du général de Ladmirault. Tous les deux apportaient de fâcheuses nouvelles : tourné, attaqué, canonné de front et de flanc, le 6e corps n’avait pu se maintenir à Saint-Privat ; il se retirait, et le 4e, lié à sa fortune, se retirait comme lui, l’un et l’autre continuant de se battre en retraite. Il faut ici donner la parole au général Jarras : « L’attitude et le langage de ces deux officiers faisaient suffisamment connaître que, malgré la vigueur et la ténacité des troupes, nous avions subi un échec dont il n’était pas possible à ce moment d’apprécier la gravité. Je les conduisis immédiatement auprès du maréchal qui avait fait fermer sa porte, afin de pouvoir travailler sans être dérangé inutilement. Il écouta ces rapports sans laisser paraître ni émotion ni surprise ; presque sans prendre le temps de la réflexion, il indiqua sommairement les positions nouvelles que les corps devaient occuper, et remarquant la tristesse de ces deux aides-de-camp, il les engagea à bannir toute inquiétude et ajouta : « Ce mouvement devait être fait demain matin, vous le ferez quelques heures plus tôt. »

Ainsi ces fameuses lignes d’Amanvilliers, si bien choisies, si bien retranchées, si fortes, ce n’était, après Rezonville, que la seconde étape de la retraite sous Metz, et il avait déjà préparé la troisième ; et c’était pour reconnaître celle-ci qu’il avait, dès le matin, avant tout engagement, fait partir le colonel Lewal.

Dans son apologie de 1883, il a écrit ceci : « Me conformant aux instructions contenues dans le titre XIII du Service en campagne : « Le commandant en chef prescrit à l’avance les dispositions à suivre en cas d’insuccès ; il indique aux officiers-généraux et aux chefs de corps les mouvemens qu’ils auraient à faire dans les différentes chances qu’on peut prévoir, et les positions qu’ils devraient successivement occuper… » j’avais envoyé M. le colonel Lewal reconnaître les positions en arrière des lignes d’Amanvilliers et les routes qui y conduisaient, pour qu’en cas d’une retraite forcée, les commandans des corps d’armée sachent où diriger leurs troupes. Quel grief n’en tire-t-on pas contre ma pensée ! « C’était la preuve que je ne voulais pas m’éloigner de Metz… » et beaucoup d’autres balivernes plus absurdes et malveillantes les unes que les autres. Cela ne prouve qu’une chose, c’est que les médisans ne connaissaient pas le règlement sur le service en campagne, et je n’en fus pas étonné. » C’est tout. Quoi ! sur une question d’un si grand intérêt, c’est là toute sa défense ! Il en sent si bien le défaut que, par une de ces digressions dont il est coutumier, il nous donne tout de suite le dispositif de l’armée allemande, et comme cette diversion ne pourrait pas suffire, tout de