Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 112.djvu/250

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

main, le maréchal Le Bœuf et le général Frossard un peu plus optimistes que les deux autres, mais n’allant pourtant pas jusqu’à nier le danger de cette combinaison qui n’en était pas une, puisqu’il n’y avait ni action simultanée, ni coopération effective. En fait, il n’y eut ni conclusion du débat, ni décision prise. A quelques jours de là, le général Lebrun fut envoyé à Vienne ; il vit l’archiduc Albert, il vit l’empereur François-Joseph qui lui déclara loyalement que l’Autriche était hors d’état d’entrer en campagne en même temps que la France, et qu’il désirait vivement que l’empereur Napoléon ne se fit aucune illusion sur le concours immédiat qu’il pouvait attendre de lui. Six semaines après, la guerre était déclarée.


II

L’état-major-général de l’armée que l’empereur devait commander en chef avait à sa tête un major-général, le maréchal Le Bœuf, et deux aides-majors généraux, les généraux Lebrun et Jarras. Pendant que les corps, dirigés, les uns sur la Sarre, les autres sur le Rhin, essayaient de se former et de se tirer du désarroi où les avait surpris la déclaration de guerre, le maréchal Le Bœuf s’efforçait, avec une hâte fébrile, de parer aux difficultés qui lui étaient signalées de toutes parts. Il ne quitta Paris que le 23 juillet, avec le général Lebrun. Laissé aux ordres de l’empereur, le général Jarras se rendit à Saint-Cloud, le 24 au soir. De la terrasse couverte de marronniers on entendait, par les fenêtres du salon, des voix féminines chanter la Marseillaise ; l’impression du général fut pénible ; elle le fut encore, mais d’une autre sorte, quand, dans le cabinet de l’empereur, il put constater que le commandant en chef n’avait pas une habitude suffisante des détails topographiques, de ce qu’on appelle en un mot lire une carte. Le lendemain, il y eut un dîner qui fut très gai ; l’impératrice montrait une confiance absolue dans l’issue de la guerre.

Arrivé à Metz, le 28 juillet, à cinq heures du soir, l’empereur fit appeler immédiatement à la préfecture, où ses appartemens avaient été préparés, le major-général, les deux aides-majors et le maréchal Bazaine. Bazaine ! Voici qu’il entre sur le théâtre, le triste héros d’un drame lugubre, et, dès cette première scène, nous pouvons commencer à l’étudier dans son jeu.

Depuis deux ans que la crise était dans l’air, Bazaine, d’après de sérieux indices, peut-être des promesses même, s’était flatté d’être