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intentions de ce parti qui entre en scène, Depuis longtemps on tourne autour de cette idée, on a fini par y arriver, par s’y décider !

Eh ! sans doute, ce n’est pas nouveau. Il y a vingt ans déjà, M. Thiers, chargé dans le péril des destinées de la France, voyant les difficultés accumulées autour de lui, les divisions des partis, conseillait aux conservateurs de toutes nuances de s’accommoder avec la république, comme lui-même, « vieux monarchiste, » l’acceptait parce qu’il ne pouvait pas faire autre chose. Et qu’ajoutait-il ? Il disait que le plus sage serait de s’emparer de cette république, de la faire conservatrice, de l’organiser, de la doter des institutions nécessaires, de lui imprimer, en un mot, les caractères d’un régime rassurant pour toutes les opinions, pour toutes les croyances. On le pouvait alors ! Si M. Thiers eût été écouté, on aurait évité bien des crises, bien des déviations, et on n’aurait pas perdu vingt ans en luttes stériles, à travers lesquelles la république ne s’est pas moins établie, en prenant seulement la figure d’un régime de parti et de combat. Il y a quelques années à peine, un homme d’une énergique loyauté, tombé prématurément sur la brèche, Raoul Duval, avait tenté de reprendre cette politique dans des circonstances aggravées ; il la proposait en plein parlement. L’idée n’était probablement pas encore mûre ! on y revient aujourd’hui. Ce que la prévoyance conseillait avant les crises, l’expérience, une expérience un peu dure, l’impose aujourd’hui. Ce que font ces conservateurs ralliés, ces constitutionnels d’une droite républicaine, est tout simplement une œuvre de raison pratique inspirée par la nécessité du temps et la force des choses. Est-ce à dire qu’en entrant dans la république telle que les républicains l’ont faite, ils aient à abdiquer leurs idées, leurs sentimens conservateurs, ou qu’en gardant leurs sentimens, leurs idées, ils se flattent de se faire une place par des négociations, par des transactions, par des coalitions équivoques ? Ils entrent librement dans la république, parce que la république est à tout le monde. Ils n’ont ni à dicter des conditions, ni à subir les conditions de personne. Ils s’adressent à l’opinion, seule souveraine. Leur politique est tout uniment dans ces mots de leur dernier manifeste : le droit commun pour tous, — « la paix religieuse par la liberté et par le respect réciproque de tous les droits, la paix sociale par une politique de progrès et d’équité. » Ils tirent leur force des intérêts qu’ils représentent dans une légalité reconnue, de ce mouvement de transformation qui s’accomplit aujourd’hui, de ces instincts d’apaisement qui sont partout dans le pays. C’est leur raison d’être, et cette évolution qu’ils viennent de faire est d’autant plus décisive qu’elle coïncide justement avec les manifestations réitérées de la politique pontificale dans les affaires de France.

On ne peut s’y tromper en effet, et c’est là certes, entre tous, un des signes du temps. Léon XIII poursuit avec autant de décision que de