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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




30 juin.

Décidément cette fin de siècle, — puisque fin de siècle il y a, — promet d’être intéressante. Elle a déjà vu d’étranges spectacles, elle en voit tous les jours, elle en verra sans doute encore dans tous les genres et sous toutes les formes.

Est-elle destinée à être marquée par de grands événemens, par de nouvelles collisions des peuples civilisés, par des guerres ou des révolutions violentes ? C’est toujours le terrible secret, — on le saura avant huit ans ! Dans tous les cas, elle offre déjà les signes multipliés d’une ère de vaste transition où tout s’agite à la fois, et ce n’est pas aujourd’hui que Lamartine pourrait jeter dans les loisirs un peu monotones d’un temps paisible le mot retentissant et presque fatidique : « La France s’ennuie ! » La France d’aujourd’hui a sûrement de quoi être désennuyée, et même souvent de quoi être importunée ou assourdie de polémiques, de diffamations, de provocations. Elle a toutes ces querelles factices de race et de religion qu’on réveille uniquement pour faire du bruit et qui, malheureusement, finissent quelquefois, comme on vient de le voir, par des tragédies, par la mort d’un digne officier victime de ses justes susceptibilités. Elle a ses gladiateurs de la plume qui donnent l’assaut aux réputations et font bonne figure à côté des anarchistes qui font sauter les maisons. La France d’aujourd’hui, en dehors de ces tristes intermèdes faits pour émouvoir l’opinion, a particulièrement devant elle bien d’autres problèmes qui touchent au plus profond de son existence, et sont désormais l’inévitable obsession des esprits. Il est évident qu’à l’heure qu’il est, de toutes parts et sous toutes les formes, il y a une fermentation croissante, un travail universel de transformation dans les idées, dans les mœurs,