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agréable, non pas que la jolie fille déshabillée qui s’est chargée de symboliser cette science y révèle, dans son allure et dans sa physionomie, des préoccupations particulièrement scientifiques ; ce n’est qu’une grisette cueillant des fleurs, au sortir du bain, mais les fleurs sont si plantureuses, si fraîches, si éclatantes, que l’œil en est du moins réjoui. Le grand plafond de M. Weerts pour l’Hôtel de la Monnaie, à Paris, est d’une invention pénible et singulière ; et, comme il est placé horizontalement, on peut se rendre compte de l’effet qu’il produira. C’est, il faut l’avouer, au premier abord, un effet menaçant. La pièce capitale de ce grand morceau est l’arrière d’un gros navire, le navire de Paris, chargé de sculptures, de banderoles et de femmes nues symbolisant les arts, qui n’a point du tout la légèreté d’un véhicule aérien et cette masse pesante, au-dessus de nos têtes, ne laisse pas que de nous effrayer. L’embarcation semble amarrée devant l’arche d’un grand pont en pierre que traversent des voyageurs de tous pays, en costumes locaux, pour se rendre à l’Exposition universelle dont les bâtimens se dressent sur la gauche. Il est difficile de se rendre compte du point de vue où s’est placé l’artiste, soit dans le lit même du fleuve, soit sur quelque bâtiment élevé, pour apercevoir ainsi ses figures, les unes de haut en bas, les autres de bas en haut. C’est juste, je le veux croire, régulièrement et mathématiquement, mais très confus pour des yeux ordinaires, et ce gros vaisseau, là-haut, n’inspirera jamais confiance. C’est dommage, en vérité, car M. Weerts est un dessinateur consciencieux et habile, sinon un brillant coloriste, et il y a, dans sa grande machine, plus d’une figure vive et bien étudiée, avec une science du groupement assez rare aujourd’hui.

C’est par exception, d’ailleurs, et sur commande, qu’on s’essaie, au Champ de Mars, à l’art monumental et historique. L’effort général s’y porte sur l’étude de mœurs contemporaines, et lors même qu’on y traite des sujets bibliques et évangéliques, c’est du modernisme qu’on y fait et qu’on y veut faire. L’introduction, désormais prévue et banale, du Christ, vêtu de sa tunique traditionnelle, au milieu de bourgeois, d’ouvriers, de paysans en costumes du jour, n’est, de toute évidence, qu’un prétexte à réunion de types actuels, plus ou moins bien étudiés sur le vif. On peut accepter ce programme, remis à la mode par le succès légitime de M. Uhde et de quelques autres peintres allemands, à la condition qu’il soit tenu et que l’imagination de l’artiste, amalgamant en liberté des élémens de dates diverses, soit suffisamment émue pour les transformer et les fondre sous l’ardeur de sa passion, de sa tendresse, de sa ferveur, de sa pitié. C’est ce que nous avons vu faire à Rembrandt, dans quelques chefs-d’œuvre, après certains maîtres