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l’égard des coupables que de respect envers le corps du clergé, tels furent les ressorts d’une politique qui, en refusant de descendre à la persécution, aboutit au rétablissement de la paix.

Comment méconnaître cet exemple ? Ne prend-il pas une force d’autant plus grande que les passions de 1832 et de 1892 sont moins comparables ? Dans quelle insurrection le clergé de notre temps est-il compromis ? Le voyons-nous mêlé à des actes de rébellion ? Protège-t-il des réfractaires ? Refuse-t-il de reconnaître le gouvernement établi ? La république est-elle mise en péril par la voix qui vient de Rome ? Est-ce bien au moment où le pape prêche avec tant de force l’union de tous les Français qu’il convient d’accomplir contre les évêques des coups d’éclat ? Non, rien de ce que nous voyons ne justifie des mesures sans précédens.

Parlerons-nous des suspensions de traitement opérés sous le second empire ? Qu’on relise la discussion qui a eu lieu au sénat le 31 mai 1861. Il n’y a pas un argument à en tirer. Les ministres cherchent à fuir le débat : des allusions sont faites à une retenue opérée dans le diocèse de Besançon. Ni le cardinal Mathieu, ni M. Rouland n’abordent de front la question, et une discussion postérieure de vingt ans nous apprend que les ecclésiastiques n’ont pas tardé à recouvrer leurs mandats.

Ni dans l’ancien régime, ni en ce siècle, nous ne trouvons les ministres armés légalement d’une juridiction disciplinaire sur les prêtres. La suspension de traitement employée en cas de non-résidence, déclarée dans tout autre cas illégale, condamnée et désavouée comme procédé de gouvernement, refusée aux préfets qui la sollicitaient, ne peut se justifier par un argument historique, pas plus qu’elle ne peut s’appuyer sur un texte de loi.


V

Ceux qui recourent à cette arme illégale doivent en prendre leur parti ; ils ne peuvent parler de droit, les argumens juridiques leur échappent ; ils doivent l’avouer, ils font bien pis que d’appliquer une mesure d’exception, ils sont en plein arbitraire.

« C’est un acte de gouvernement, disent-ils. La chambre examinera, lors de la loi des comptes, ce que nous avons fait. Si elle éprouve quelque impatience, elle peut hâter l’examen en soulevant une interpellation et en renversant le ministre. »

Il n’existe pas de théorie plus dangereuse : je ne sais pas une loi, pas un texte longuement délibéré, appliqué solennellement par les juges à tous les degrés de juridiction, qui ne puisse être violé de la sorte.

Le péril des gouvernemens qui tirent toute leur force de