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cultes eût le droit de retrancher une parcelle de traitement ecclésiastique ? L’exemple de l’ancien régime est inexact, et, serait-il conforme aux faits, serait sans portée.

S’il est certain qu’il n’existe pas de texte dans le droit moderne, si le précédent du droit ancien disparaît, il faut donc en arriver aux précédens de ce siècle. Sous l’Empire, le clergé avait eu l’honneur de la persécution, sous la Restauration, il connut le danger bien autrement grave d’être ou de paraître associé à l’exercice du pouvoir.

La révolution de juillet lui causa une douleur profonde, mais le clergé était trop mêlé à la nation par ses origines et par son existence même pour professer une opinion unanimement hostile. Hors des départemens de l’ouest, les résignés étaient beaucoup plus nombreux que les violens. Si quelques évêques, par fidélité au roi, comme le cardinal de Latil et le cardinal duc de Rohan, ou pour se mettre à l’abri des violences, comme l’évêque de Nancy, M. de Forbin-Janson, avaient quitté leur résidence et franchi la frontière, le reste de l’épiscopat était demeuré à son poste. Ils étaient agités de sentimens très divers : lutter de front contre la révolution ne venait à l’esprit d’aucun d’eux ; l’élan qui avait accueilli le pouvoir nouveau ne laissait pas de place au doute ; le mouvement national était irrésistible, mais serait-il durable ? Le trône était-il solide ? Convenait-il de se rallier sans réserve ?

L’automne de 1830, loin de calmer les hésitations épiscopales, les rendit plus vives. La seule force active, la garde nationale, multipliait dans les petites communes les exigences et les taquineries auxquelles se plaisent, au lendemain d’une révolution, les parvenus de la veille. Le clergé, c’était le vaincu, et le vainqueur ne lui ménageait ni les déboires, ni les leçons. Des croix récemment plantées, à la suite de missions, étaient enlevées ; parfois l’église, le presbytère étaient menacés. L’intérieur même du temple n’était pas à l’abri de bruyantes manifestations : certains chants religieux en étaient le prétexte. Jusqu’en 1830, on ne chantait que Domine salvum fac regem. Les habitans, appuyés par la garde nationale, soutinrent que le clergé priait encore pour Charles X et exigèrent qu’on ajoutât au verset le nom du souverain régnant. De là, des incidens continuels qui prenaient, en beaucoup de paroisses, un caractère grave.

L’importance de ces conflits variait suivant les diocèses. Insignifians dans un grand nombre de départemens où la monarchie de juillet ne trouvait pas d’adversaires, ils remuaient les âmes dans le midi et dans l’ouest. Les préfets, assaillis de plaintes contre les curés, demandaient au ministre la permission de sévir. En vain, le ministre des cultes leur enjoignait-il de solliciter des évêques le déplacement des desservans ; les préfets se disaient impuissans à rien