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ni plus ni moins que sur le Cid. Nous lisons, en effet, dans la Préface d’un des amis de l’auteur en tête du Grand Dictionnaire des Précieuses : « Jamais homme n’a tant fait de bruit que lui dans un âge si peu avancé. Il a eu l’honneur de faire assembler deux ou trois fois l’Académie française. » — Et dans les Prédictions faites après coup qui se trouvent dans le corps même du dictionnaire : « La même année (1660), le récit des honneurs funèbres rendus à Straton (Scarron) fera assembler les quarante barons (Messieurs de l’Académie française) ; les auteurs les plus célèbres ne s’en choqueront point ; mais ceux qui aspirent à cette dignité feront du bruit à leur confusion. » La phrase est obscure et mal venue, comme il arrive souvent chez Somaize ; du moins la mention du fait est-elle positive. Mais il est impossible de vérifier s’il a dit vrai ; aucun écrit du temps ne parle de cette réunion, et les procès-verbaux de l’Académie ne remontent qu’à l’année 1672.


III

La Pompe funèbre de M. Scarron n’est qu’un intermède dans la carrière de Somaize. La suite logique de ses ouvrages eût amené, après le Procès des Précieuses, le Dictionnaire des Précieuses, qui est du 12 avril 1660, et le Grand Dictionnaire historique des Précieuses, qui parut le 26 juin 1661. Mais ces deux ouvrages ne peuvent guère être séparés, et, comme le dernier est postérieur de près d’un an à la Pompe funèbre, il fallait bien auparavant s’occuper de celle-ci.

Le Dictionnaire des Précieuses porte comme sous-titre : Ou la Clé du langage des ruelles. C’est, en effet, une sorte de vocabulaire des principales locutions du langage précieux classées par ordre alphabétique, ou à peu près. S’il faut en croire l’auteur, il aurait travaillé sur pièces authentiques fournies par les précieuses elles-mêmes ; il n’aurait été que leur greffier : « Comme le fonds des précieuses est inépuisable, dit-il, les ministres de leur empire, ayant su que je travaillois au bien de leur république et que je rendois ce livre célèbre à toute la terre par ce dictionnaire, ont pris soin de m’envoyer des mémoires utiles à ce dessein. » Qu’il ait réellement reçu des précieuses un certain nombre de documens authentiques ou qu’il se soit contenté de recueillir, en les accompagnant d’une clé, les expressions dont on faisait le plus d’usage dans les ruelles, il a largement puisé à une autre source qu’il se garde bien de mentionner, et pour cause : il a découpé dans les Précieuses ridicules presque toutes les affectations de langage que Molière met dans la bouche de son quatuor précieux. En effet, ce n’est pas,