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ainsi jusqu’à cinquante-deux. Il essaya alors de les reproduire tous ; il le fit, mais en commettant quelques transpositions et confusions, et plusieurs erreurs, environ une dizaine. Il semble bien que ce nombre cinquante-deux constitue pour lui une limite.

Il y aurait intérêt à répéter des expériences de cet ordre, mais elles sont, on le conçoit, très pénibles pour le sujet ; celle-ci du reste me paraît concluante.


III.

Il faut maintenant examiner de près ce qu’on entend par « la mémoire des chiffres. » Nous avons employé ces mots comme s’ils avaient pour tout le monde le même sens. Cette opinion était admise autrefois ; on croyait toutes les intelligences construites à peu près sur le même plan ; mais aujourd’hui que l’on connaît l’immense variété des types psychologiques, on sait qu’une même opération mentale peut être comprise et exécutée par deux personnes sous des formes absolument différentes. Il en est bien ainsi pour la mémoire des chiffres ; il existe plusieurs procédés pour se représenter les chiffres, pour les fixer dans la mémoire et les faire revivre ; en d’autres termes, on peut employer à cet effet plusieurs images d’un genre différent. La commission académique qui a étudié cette question avec beaucoup de soin a pu constater un fait surprenant ; les procédés de M. Inaudi sont contraires aux opinions courantes sur les calculateurs prodiges.

Ces derniers paraissent, d’après leur propre témoignage, prendre pour base principale de leurs opérations mentales la mémoire visuelle. Au moment où l’on énonce devant eux les données du problème, ils ont la vision intérieure des nombres énoncés, et ces nombres, pendant tout le temps nécessaire à l’opération, restent devant leur imagination comme s’ils étaient écrits sur un tableau fictif placé devant leurs yeux. Ce procédé de visualisation, — comme disent les auteurs anglais, — était celui de Mondeux, de Colburn, de tous ceux en un mot qui ont eu l’occasion de s’expliquer clairement. Ceci posé, rien de plus simple que d’expliquer la faculté de calcul mental, c’est-à-dire la faculté de calculer sans rien lire ni écrire. Du moment qu’une personne dispose d’une mémoire visuelle très nette et très sûre, elle n’a nul besoin d’avoir les chiffres sous les yeux, de les lire et de les écrire, pour en tirer des combinaisons ; elle peut détourner les yeux de l’ardoise où ils sont écrits, parce qu’ils sont également écrits à la craie sur le