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Il semble donc que le remède le plus simple serait de ramener de 2,000 francs à 1,000 francs le maximum des dépôts et à ne plus permettre le versement en une seule fois, même de ce montant réduit.

Une telle mesure a paru infiniment trop radicale à la commission. Pourquoi ? A-t-elle donc sur les gros dépôts de 1,000 à 2,000 francs une opinion favorable ? Pense-t-elle sur ce point comme la caisse d’épargne des Bouches-du-Rhône, dont le rapport pour l’exercice 1890 contient le remarquable passage que voici :


La commission parlementaire, invitant quelques caisses à l’éclairer sur le grief de déposans parasites qui useraient de la caisse d’épargne comme d’une banque de comptes courans, avait demandé dans ce but une enquête sur la provenance professionnelle et la mobilité des comptes de 1,001 à 2,000 francs pendant l’année 1890. Nous avons fait cette recherche. 27,516 comptes ont dû être dépouillés sur 115,000 environ ; 24,660 ont été reconnus d’origine populaire ; 2,102 seulement avaient subi en douze mois cinq mouvemens et au-dessus, 2,823 n’en avaient eu que trois ou quatre, 7,732 un ou deux, 14,859 n’en avaient effectué aucun.

Notre statistique de 1890 démontre donc, une fois de plus, que la thèse d’une déviation des caisses d’épargne est une assertion purement théorique, gratuite, qui ne s’explique que par des préventions ou l’esprit de système : les réalités la démentent.


Voilà qui est fort bien, et sans doute la commission a trouvé dans les rapports de beaucoup d’autres caisses des réfutations aussi catégoriques de la thèse de la déviation.

Il n’en est absolument rien, comme on peut le juger par un passage du rapport qui mérite d’être cité intégralement, tant il a d’importance pour la question ici traitée :


Sauf des exceptions telles que celles d’un petit héritage qui survient, d’un lopin de terre ou d’un petit outillage vendu, il est de toute évidence que celui qui peut à l’ordinaire verser 2,000 francs en une seule fois, et qui souvent multiplie cette somme par le nombre de ses enfans ou des personnes de sa maison, ne représente pas ce capital en germe que le législateur a voulu seul favoriser. Cette nouvelle couche de déposans que la loi de 1881 a amenée aux caisses d’épargne se compose de rentiers, de commerçans, d’artisans supérieurs, de gros fermiers ou de propriétaires-cultivateurs qui trouvent dans la caisse d’épargne une banque de dépôts qui leur conserve un fonds de roulement toujours