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L’article se termine par une disposition suspendant la faculté d’attribution des rentes du portefeuille, lorsque le prix de vente à appliquer aux acheteurs déposans ne représentera pas au moins le prix moyen d’achat des rentes ou valeurs ayant constitué ledit portefeuille, ce qui veut dire que l’opération serait suspendue en temps de crise, lorsque les cours de la rente auraient subi une forte baisse.

Si la commission pense que c’est par de si petits moyens que pourra être exécutée la liquidation du portefeuille, nous craignons tort qu’elle ne soit la dupe de très décevantes illusions. Telle qu’elle est esquissée, l’opération n’a aucun caractère de généralité ; elle est livrée à l’initiative de chacune des caisses, qui, animée par l’appât d’une prime (sur quelle base serait déterminée cette prime ? ), irait, par toutes sortes de moyens laissés à sa discrétion, solliciter les propriétaires des gros dépôts à demander des rentes inaliénables, en leur faisant valoir l’avantage d’une acquisition à un cours au-dessous de ceux du marché. Se représente-t-on ce que serait ce mouvement de sollicitations portées à domicile par un personnel d’agens spéciaux, avec le concours d’une publicité qui ne serait assurément pas gratuite ? Nous ne craignons pas de dire qu’il aboutirait bien vite au discrédit, sinon de toutes les caisses, au moins de celles qui, pour hâter le succès, — et le nombre en serait grand, — se verraient entraînées à un déploiement de zèle excessif.

La tentative au moins aurait-elle quelque chance de réussir ? Nous ne pouvons le croire. Actuellement les achats de rente effectués pour le compte des déposans au cours du jour et sur leur demande n’atteignent presque jamais une réelle importance. Il est peu probable qu’il se trouverait beaucoup de propriétaires de dépôts variant de 500 à 2,000 francs, remboursables à vue et rapportant de 3 1/4 à 3 1/2 pour 100, désireux de transformer leur situation en celle de propriétaires d’inscriptions de rentes achetées même à 3 francs au-dessous des cours actuels, mais dont ils ne pourraient disposer pendant un délai d’un an au moins. Toute la publicité que feraient les caisses d’épargne serait perdue, et les agens des caisses, commis-voyageurs d’une nouvelle espèce, dépenseraient vainement leur peine. En tout cas, le résultat serait des plus aléatoires. Toute l’opération se présente avec un caractère de combinaison financière complexe et ardue, malaisément intelligible, et de spéculation hasardeuse qui sied mal à une grande réforme où l’intérêt public est si profondément engagé.

Concluons donc que l’idée conçue par la commission pour la liquidation du portefeuille des caisses d’épargne, — liquidation