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La chambre et le gouvernement, au cours de la première lecture de la loi sur les caisses d’épargne, ont si peu répondu sur ce point à l’attente de l’opinion publique, qu’ils ont aggravé la situation au lieu de l’alléger, et démesurément grossi les périls auxquels une inconcevable imprévoyance politique expose les finances et le crédit de notre pays.


IV

Il faut liquider, avons-nous dit, le portefeuille de rentes. Ce portefeuille est magnifique pourtant ; il a été composé dans des conditions de prix si avantageuses qu’il semble qu’aucun accident ne peut jamais en atteindre la solidité. Les rentes françaises qui le composent ont été acquises pour la plus grande partie à des cours inférieurs à 80 pour 100. Il donnait alors à la Caisse des dépôts un rendement supérieur à 4 pour 100, et comme celle-ci payait 4 pour 100 aux caisses d’épargne, elle a pu réaliser, pendant une série d’années, sur l’écart entre le taux du rendement qu’elle obtenait et celui de l’intérêt qu’elle payait, un bénéfice qui lui a permis de constituer une réserve s’élevant aujourd’hui à 45 millions de francs. Les achats prenant un développement nouveau, le prix des rentes a continué de s’élever, et le cours de 90 francs était atteint il y a peu d’années. Une énorme plus-value se trouvait par là donnée à toute la partie du portefeuille acquise dans les anciens cours. Au mois de mai 1890, d’après les déclarations faites par M. Rouvier à la chambre à propos d’une interpellation sur les caisses d’épargne, le portefeuille comprenait, entre autres valeurs, 36 millions de francs de rente 3 pour 100 ayant coûté 953 millions (soit un prix moyen de 79.31 par 3 francs de rente) et 48,400,000 francs de rente amortissable ayant coûté 1,300 millions (soit un prix moyen de 81 par 3 francs de rente). Comme le prix des rentes était alors d’environ 90 francs, le portefeuille entier, calculé au cours du 14 mai 1890, représentait une valeur de 3,030 millions, supérieure de 326 millions au coût d’acquisition qui était de 2,704 millions.

Si l’on songe qu’aujourd’hui les deux rentes 3 pour 100, perpétuelle et amortissable, valent 100 francs, la plus-value actuelle du portefeuille doit représenter de 625 à 650 millions, soit 675 millions en nombre rond, y compris les 45 millions de la réserve. Ainsi l’écart entre le prix moyen d’acquisition des rentes appartenant à la caisse, s’élevant à environ 3 milliards, et la valeur de ce portefeuille calculée d’après les cours du marché, représente plus de 20 pour