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II

C’est à ce point de vue qu’il convient de la traiter, toute considération étrangère à l’intérêt public devant être écartée. Il est incroyable combien d’idées fausses, de préoccupations secondaires, idola fori, comme disait Bacon, viennent obscurcir, même au parlement, l’étude d’un problème aussi simple. N’a-t-on pas imaginé, lorsqu’il y a dix-huit mois, dans un court accès de sagesse, la chambre s’est décidée à réduire de 4 à 3.75 pour 100 le taux de l’intérêt servi par la Caisse des dépôts et consignations aux caisses d’épargne, de proposer que le bénéfice qui devait résulter de cette réduction revînt à l’État et grossît les revenus généraux du budget ?

Une telle proposition ne soutenait pas l’examen. Tout d’abord, le terme de bénéfice était ici improprement appliqué. Il n’y aurait eu bénéfice que si la Caisse des dépôts et consignations retirait de ses placemens en valeurs françaises, de son portefeuille de rentes, un intérêt supérieur à celui qu’elle sert aux caisses dont elle gère les dépôts. Il n’en est pas ainsi. « Cet intérêt réduit, 3.75 pour 100 (rapport présenté au sénat et à la chambre des députés par la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations sur les opérations de l’année 1890), est de beaucoup supérieur à celui que la Caisse peut retirer actuellement de ses placemens nouveaux en valeurs d’État, et il est vraisemblable qu’il devra être encore rabaissé, si l’on veut éviter le recours à la garantie du Trésor. « Il n’y a donc pas de bénéfice en l’espèce ; il y a seulement une réduction des chances de perte. Or, le principe qui doit dominer tous les débats et inspirer toutes les solutions dans la question de la réforme des caisses d’épargne est celui qui a évidemment dicté l’introduction, dans la loi de finances de 1887, de l’article sur la limitation du compte courant des caisses d’épargne au trésor : l’État, par l’intermédiaire de la Caisse des dépôts et consignations, peut rester détenteur et garder la gestion de la plus grande partie des épargnes populaires, mais cette gestion ne doit lui laisser ni gain, ni perte.

L’État ne doit pas gagner à cette gestion, cela est de toute évidence. On ne comprendrait pas une organisation qui aboutirait à ce résultat : le gouvernement concentrant dans ses caisses tous les fonds disponibles de toutes les caisses d’épargne, les plaçant de telle sorte qu’il en tirât 4 pour 100, servant en retour 3 1/2 ou