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C’est, en effet, au taux de 5 que demeura en France, durant tout le XVIIIe siècle, le revenu des biens meubles, si l’on excepte la courte période du système de Law, où ce taux descendit, de la manière factice que l’on sait, jusqu’à 3 et 2 pour 100. Le règne du papier-monnaie, qui n’exerça, comme nous l’avons vu, aucune action sérieuse sur les prix des marchandises, exprimés en livres, imprima, pendant une durée de dix-huit mois à deux ans, un violent mouvement de baisse au pouvoir de l’argent sur lui-même. Les réductions et les conversions à 4, 3 et 2 pour 100, d’emprunts particuliers dont l’intérêt était primitivement plus élevé, abondent de 1720 à 1722. Mais, comme le contraire se produisit dans les années suivantes, pour toutes les sommes que les prêteurs se trouvèrent en droit de réclamer, que les anciennes rentes revinrent à leur ancien taux, il n’y a pas lieu de s’arrêter à cet avilissement momentané de la puissance du capital.

L’intérêt des immeubles se trouvait, avons-nous dit, très peu inférieur dans les dernières années du XVIe siècle à celui des valeurs mobilières. Toutes les rentes foncières créées avant 1630 sont rachetables sur le pied de 6 pour 100 du revenu. Pour les maisons de Paris, la prétention des vendeurs était de les capitaliser à raison de 4 1/2 ou 4 pour 100 ; mais les acquéreurs n’entendaient pas descendre si bas (1633). De même pour les biens ruraux ; on en offre seulement 5 pour 100, une terre de 7,000 livres de rente ne trouve pas amateur à plus de 150,000 livres.

Ce ne fut que plus tard que la baisse de l’intérêt foncier s’accentua ; une terre de 11,000 livres de revenu, comme Maintenon, iut payée 250,000 livres, soit 4.40 pour 100. On remarque, du reste, que la baisse du revenu immobilier, de 1600 à 1790, correspondit à une hausse très considérable de la valeur vénale des domaines ruraux et des maisons urbaines, qui laissa, en somme, aux détenteurs du sol d’enviables compensations.

Si, dans les dernières années du XVIIe siècle, l’intérêt des terres parut remonter quelque peu, cela tint à ce que leur valeur diminuait alors dans une proportion sensible. De 1701 à 1725 le taux de 4 pour 100 était redevenu usuel ; et lorsque la hausse foncière recommença, vers 1745, elle rétablit, et au-delà, la distance qui séparait sous Colbert le capital immobilier de son revenu. Au commencement de la Révolution, comme au début de notre siècle, le taux de l’intérêt foncier n’était plus en général que de 3 1/2 pour 100 dans l’ensemble de la France.


Ve G. D’AVENEL.