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offices vénaux se capitalisassent un peu plus bas, parce que les titulaires, si peu accablés de besogne qu’on les suppose, n’en étaient pas moins obligés de se donner quelque peine, pour percevoir cet intérêt de leur argent que l’on appelait leurs « gages. » Un magistrat devait siéger, au moins de temps à autre, un jurémouleur de bois ou contrôleur de beurre salé devait faire acte de présence sur les quais ou à la halle. Ce ne fut que dans les momens de pénurie extrême du trésor, que l’on autorisa à toucher les appointemens d’une fonction nouvelle le premier venu, muni de la quittance constatant qu’il en avait payé le capital. Ces quittances représentaient alors de véritables titres de rente émis par des banquiers aux taux de 9 et 10 pour 100, les offices eux-mêmes n’étaient plus que des valeurs au porteur, car les récépissés circulaient les noms en blanc. L’un a 150 présidences dans le ressort de Paris, l’autre 900 charges de « prud’hommes visiteurs des cuirs. »

Ces valeurs subissent de grosses fluctuations. L’État, dont le crédit est très mince, est traité comme un emprunteur peu solvable par des créanciers peu délicats. Ceux-ci cherchent des gains usuraires, et celui-là se laisse voler parce qu’il ne peut faire autrement ; mais il se croit en droit de rançonner à son tour ceux qui lui ont fait signer des traités trop onéreux.

Ce n’est donc pas parmi les placemens sur l’État, quelque forme qu’ils revêtent, que nous pouvons chercher le taux sincère de l’intérêt, dans la première moitié du XVIIe siècle ; l’État n’inspire pas alors le même degré de confiance que les particuliers, que les assemblées provinciales qui empruntent à 4 pour 100, en Bourgogne, que les a bonnes villes » qui n’ont jamais manqué à leur parole. On ne peut cependant pas négliger les appels faits par le trésor public aux capitaux privés. Ces appels ont évidemment dû rendre les capitaux plus exigeans, influer sur le loyer de l’argent. Les rentes sur l’État, qui ne s’élevaient, en 1600, qu’à douze millions de francs de notre monnaie, étaient montées à plus de 150 millions, à l’époque de la Fronde. Le capital de 1,900 millions ou 2 milliards de francs (intrinsèquement 400 millions de livres) d’épargnes, que représentent ces 150 millions de revenu, avait trouvé ainsi un emprunteur nouveau, inconnu au siècle précédent ; l’intervention de cet emprunteur ne pouvait manquer, en diminuant l’offre d’argent disponible, d’obliger la demande à hausser ses prix.

Le commerce général du pays prenait au même temps un certain essor, et il avait besoin de fonds. « La plupart des personnes de qualité, de robe et autres, dit Savary, donnent leur argent aux négocians en gros pour le faire valoir. Ceux-ci vendent leur