Les chiffres de 8 et 10 pour 100 n’étant que des moyennes, il serait aisé de citer des taux très supérieurs ou très inférieurs, des rentes vendues sur le pied de 5, de 4, de 3 1/2 pour 100, tandis qu’on rencontre des cens négociés à 12, 15, 20 pour 100, selon le crédit de l’emprunteur et la solidité du gage. De pareils écarts se retrouvent sur toute la surface de la France.
Si le taux des rentes foncières peut être évalué chez nous, entre les années 1200 et 1475, à 10 et 8 pour 100, selon que l’immeuble sur lequel elles reposent est situé en plein champ ou dans une enceinte fortifiée, on remarque que ce taux a une tendance marquée à s’élever au XVe siècle. Sans prétendre donner un chiffre positif, j’estime que ces moyennes sont à peine atteintes de 1300 à 1380, tandis qu’elles sont plutôt dépassées de 1380 à 1450. A cela rien d’extraordinaire : tant de maisons, dans cette dernière période, étaient inhabitées et tombaient en ruines, tant de labours étaient incultes, que bien des rentes furent alors mal ou point payées, et, la valeur vénale des immeubles ayant subi une dépréciation correspondante à celle du revenu, le créancier de la rente n’avait aucun avantage à évincer le débiteur, pour rentrer en possession d’un immeuble qui n’aurait peut-être trouvé ni acheteur ni fermier. Il patientait donc ; mais les revenus de ce genre eurent le sort de toute valeur qui devient moins sûre, elle fut capitalisée moins haut.
En Alsace, où régnaient la paix et l’abondance, le taux de l’intérêt foncier tomba, de 1360 à 1380, à 8 ou 8 1/2 pour 100, de 1380 à 1400, il s’abaissa jusqu’à 6 1/2 ; et, dès les premières années du XVe siècle, le taux de 5 pour 100 y domine. En France, cette heureuse révolution ne se fit que cent ans plus tard. Je ne m’occupe pas ici du taux légal ; il ne faut jamais, en semblable matière, se fier aux règlemens des pouvoirs publics, qui sont généralement en deçà ou au-delà de la vérité. Ainsi l’intérêt des rentes constituées ne fut abaissé officiellement à 8.33 pour 100 qu’en 1567 ; mais ce taux, auquel effectivement le clergé empruntait, était déjà en usage depuis les premières années du XVIe siècle, et il descendit sous le règne d’Henri III, pour les placemens solides, jusqu’à 7 et 6 1/2. Le commerce des rentes foncières constitua, au moyen âge, une vaste et perpétuelle spéculation, tout à fait indépendante des transactions dont les immeubles eux-mêmes étaient l’objet. Ce propriétaire, que nous avons vu vendre sa terre pour un revenu, pouvait transférer ce revenu, à titre gratuit ou onéreux, le morceler même à l’infini. Cette rente, passant de main en main, devint ainsi une valeur très mobile, autant et plus que peuvent l’être les obligations d’une compagnie de chemin de fer de nos jours. C’est