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des folles, des guillermus, des écus, des ducats et des gros de toute provenance. Et ces mêmes espèces se rencontrent un peu partout, mélangées à d’autres, aux toisons d’or, aux carolus d’Autriche, en Artois, dans la Bourgogne aux écus Wilhem, aux testons de Milan, aux reichsthalers, chacun de ces types ayant une valeur variable selon l’année de sa fabrication, son titre et son degré de conservation.

Je demande pardon au lecteur de cette énumération fastidieuse ; mais elle n’est pas inutile pour se faire idée de la confusion internationale des espèces, dans laquelle nos pères paraissent se mouvoir sans trop d’efforts, mais qui devait paralyser absolument, par la concurrence illimitée qu’elle comporte entre une si grande quantité de pièces, le succès d’une émission frauduleuse d’un des monnayeurs, ce monnayeur fût-il le roi de France.

Il faut bien admettre cependant, puisque plusieurs de nos rois ont eu recours à cet expédient impopulaire de jongler avec les métaux précieux, qu’ils y trouvaient quelque bénéfice. Ce bénéfice était mince. L’opération qui consistait, ou à diminuer le titre d’une pièce, ou à en surhausser la valeur nominale, ne pouvait réussir qu’avec les créanciers du Trésor. C’était donc une banqueroute, vulgaire dans le fond, quoique compliquée dans la forme. Quant à l’opération inverse qui consistait à abaisser subitement le prix du marc d’argent, à exiger, pour la valeur d’une livre, une plus grande quantité de grammes d’argent, c’était un impôt déguisé destiné à grossir les recettes. Dans le premier cas, l’État coupait en deux ou en trois une pièce de 5 francs, et déclarait, en vertu de son droit régalien, que chacun des morceaux valait toujours 5 francs ; dans le second, il annonçait que la pièce de 5 francs n’aurait plus cours que pour 2 fr. 50. Dans la première hypothèse il volait ses créanciers, dans la seconde il volait ses débiteurs.

Débiteurs et créanciers de l’État étant peu nombreux à ces époques reculées, ce vol déguisé, cette confiscation, ou cet impôt, comme on voudra l’appeler, n’a jamais procuré à la fiscalité capétienne des ressources bien considérables.

Les altérations monétaires et les variations artificielles des prix du marc d’argent ayant été, comme je viens de le dire, sans influence sur le prix des marchandises exprimé en livres et en sous, il s’ensuit que, si l’on adopte les prix de la livre donnés par M. de Wailly ou ses prédécesseurs, méthodiquement et annuellement déduits des cours, fictifs ou réels, du marc d’argent, on commet de grossières erreurs. Si, parce que le marc d’argent est coté dans les tables de prix 20 livres en 1420, au lieu de 7 livres en 1418, on se figure que la livre, qui valait peut être 6 fr. 50 actuels l’année d’avant, est descendue à 2 francs, on obtient