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unes avec les autres, car elles en eurent de terribles ; les souverains des petits fiefs, comme ceux des grands, prétendant toujours intervenir, et toujours obligés de battre en retraite devant la souveraineté de l’opinion.

Au sud-est, la Provence, le Comtat-Venaissin et le Dauphiné avaient aussi leur étalon particulier. Dans les deux premiers, c’est généralement le florin, composé de 12 sous. Durant les XVIe et XVIIe siècles, le vice-légat d’Avignon, pour le compte du pape, et le propriétaire de la principauté d’Orange, fabriquèrent en billon, sous et doubles deniers ou patacs, une quantité de fausse monnaie si grande, et si disproportionnée avec les faibles besoins de ces territoires, le marché y était tellement encombré de ce numéraire de mauvais aloi, que le prix des marchandises, exprimé en cette monnaie à demi fictive, avait haussé de toute la prime obtenue par la a monnaie forte » dans toute la région.

Le Dauphiné ne suivit pas l’exemple de la Provence, qui, depuis sa réunion à la couronne (1481), ne compta guère qu’en monnaie tournois. Possédé par le roi de France, plutôt que vraiment uni et incorporé au royaume, — situation bizarre à nos yeux contemporains, bien qu’elle soit pourtant celle de la Hongrie vis-à-vis de l’Autriche, et qu’elle ait été longtemps celle du pays de Galles vis-à-vis de l’Angleterre, — l’héritage des Dauphins de Viennois conserva, jusqu’au commencement du XVIIe siècle, son autonomie monétaire de jadis. Cette autonomie, comme tout ce qu’ont enfanté les temps féodaux, était elle-même très fractionnée. On avait, dans ce territoire borné, deux systèmes de compte : l’un, la livre viennoise, qui disparut au XVIe siècle ; l’autre, beaucoup plus tenace et qui persista jusqu’à Louis XV, le florin, divisé en douze gros de chacun vingt-quatre deniers.

La Bourgogne paraît avoir adopté de bonne heure l’usage de la monnaie tournois. Les ducs eux-mêmes l’employaient au XIVe siècle, pour l’évaluation de leurs dépenses, quand ils résidaient dans leur fief ; à Paris et aux environs, ils se servaient de la livre parisis. Cependant ils ne se faisaient pas faute de frapper des espèces divisionnaires d’un aloi de fantaisie, selon la coutume du temps, pour les besoins de leurs peuples. La monnaie du cru, livre dijonnaise, avait aussi à subir, au sud, la concurrence de la livre viennoise, assez répandue en Savoie et en Piémont, à l’est celle de la livre estevenante qui dominait en Franche-Comté.

Cette dernière, ainsi nommée de l’archevêque de Besançon Étienne, son fondateur, était plus faible aussi que le tournois. Une autre monnaie était en usage à côté d’elle, dans la comté de Bourgogne : le franc, ou livre comtoise, qui n’a rien de commun avec les pièces d’or frappées en France, sous le même nom, au XIVe siècle,