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jeune homme, des acquisitions positives qui l’acheminent vers une carrière et des valeurs sociales qui lui confèrent un rang. Au reste, dans ces Facultés et dans tous les autres établissemens d’instruction supérieure, l’entrée est libre, gratuite ; assiste qui veut, quand il veut, sans payer un sou.

Ainsi constituée, l’Université apparaît au public comme une institution libérale, démocratique, humanitaire et pourtant économique, peu dispendieuse. Ses administrateurs et professeurs, même les premiers, n’ont qu’un salaire modique : 6,000 francs au Muséum et au Collège de France[1], 7,500 à la Sorbonne, 5,000 dans les Facultés de province, 4,000 ou 3,000 dans les lycées, 2,000,1,500, 1,200 dans les collèges communaux, juste de quoi vivre. Le train des plus hauts fonctionnaires est modeste ; chacun vivote sur des appointemens restreints qu’il gagne par un travail modéré, sans surcharge ou décharge notable, dans l’attente d’un avancement graduel ou d’une retraite sûre. Point de gaspillage, les écritures sont bien tenues ; peu de sinécures, même dans les bibliothèques ; point de passe-droits ou de scandales crians. L’envie égalitaire est presque désarmée : il y a beaucoup de places pour les petites ambitions et les mérites moyens, et il n’y a presque aucune place poulies grandes ambitions, les grands mérites. Les hommes éminens servent l’État et le public à prix réduits moyennant un traitement alimentaire, un grade plus haut dans la Légion d’honneur, parfois un siège à l’Institut, un renom universitaire ou européen, sans autre récompense que le plaisir de travailler d’après leur conscience intime[2]et l’approbation des vingt ou trente personnes compétentes, qui, en France ou à l’étranger, sont capables d’apprécier leur travail à sa valeur.

Dernière raison pour accepter ou tolérer l’Université ; son œuvre, chez elle ou à côté d’elle, se développe par degrés, et plus ou moins largement, selon les besoins sentis. — En 1815, il y avait 22,000 écoles primaires de toute espèce ; en 1829[3]on en compte 30,000, et, en 1850, 63,000. En 1815, elles instruisaient 737,000 enfans, et, en 1829, 1,357,000 ; en 1850, elles en instruisent 3,787,000. En 1815, pour former les instituteurs primaires, il n’y avait qu’une école normale ; en 1850, il y en a 78. Par suite, tandis qu’en 1827,

  1. Cf. Jourdain, ibid., p. 287. (Dans les chiffres ci-dessus, on a compris, avec le traitement fixe, les droits d’examen, qui sont le casuel.) En 1850, le traitement fixe des professeurs à la Faculté de médecine de Paris est réduit de 7,000 à 6,000 francs. En 1849, le maximum du traitement total pour les professeurs à la Faculté de droit de Paris est limité à 12,000 francs.
  2. Entre autres biographies, lire Ambroise Rendu, par Eugène Rendu.
  3. Rapport sur la statistique comparée de l’enseignement primaire, 1880, t. II, p. 8, 110, 206. — Loi du 15 mars 1850, Exposé des motifs, par M. Beugnot.