Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 111.djvu/770

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

En effet, ici comme ailleurs, Napoléon a importé ses habitudes de sévère économie, de comptabilité exacte et de perceptions opportunes ou déguisées[1]. Quelques centimes additionnels inscrits d’office, parmi beaucoup d’autres, au budget local, quelques millions indiscernables, parmi plusieurs centaines d’autres millions, dans l’énorme monceau du budget central, voilà les ressources et les recettes qui défraient l’enseignement public : non-seulement, pour cet objet, la cote de chaque contribuable reste infime, mais elle disparaît, englobée dans le total dont elle n’est qu’un article ; il ne la remarque pas. — De leur poche et directement, avec la conscience d’un service distinct qu’on leur rend et qu’ils rétribuent, les parens, pour l’instruction primaire de leur enfant, ne paient[2]que 12, 10, 3 ou même 2 francs par an ; encore, par l’extension croissante de la gratuité, un cinquième, puis un tiers[3], plus tard, la moitié d’entre eux sont exemptés de cette charge. — Pour l’instruction secondaire, au collège ou au lycée, ils ne tirent chaque année de leur bourse que deux ou trois louis ; et, si leur fils est pensionnaire, ces quelques pièces d’or se confondent avec d’autres en un tas qui est le prix total de l’internat, en moyenne 700 francs[4], somme médiocre pour défrayer, non-seulement l’instruction, mais encore pendant tout un an l’entretien d’un jeune garçon, gîte, nourriture, blanchissage, éclairage, chauffage et le reste ; à ce taux, les parens sentent qu’ils ne font pas un mauvais marché ; ils ne subissent pas d’extorsion, l’État n’agit point en fournisseur rapace. Bien mieux, il est souvent un créancier paternel, il distribue trois ou quatre mille bourses ; si leur fils en obtient une, leur dette annuelle leur est remise, et toute la fourniture universitaire, instruction et entretien, leur est livrée gratis. — Aux Facultés, ils ne s’étonnent pas de solder des droits d’inscription, d’examen, de grade et de diplôme ; car les certificats ou parchemins qu’ils reçoivent en échange de leur argent sont, pour le

  1. Le Régime moderne, I, p. 232 et 254.
  2. Maggiolo, les Écoles en Lorraine. (Détails sur plusieurs écoles communales), 3e partie, p. 9 à 50. — Cf. Jourdain, le Budget de l’Instruction publique, 1857, passim. (Subvention de l’État pour l’instruction primaire, en 1829, 100,000 francs ; en 1832, 1 million ; en 1847, 2,400,000 francs ; — pour l’instruction secondaire, en 1830, 920,000 francs ; en 1848, 1,500,000 francs ; en 1854, 1,549,241 francs. (Ce sont les villes qui entretiennent à leurs frais leurs collèges communaux.) — Liard, Universités et Facultés, p. 11. En 1829, le budget des Facultés n’atteint pas 1 million ; en 1848, il est de 2,876,000 francs.
  3. Loi du 11 florial an X, article 4. — Rapport sur la statistique comparée de l’enseignement primaire, 1880, t. II, p. 133 : — « 31 pour 100 des élèves des écoles publiques étaient admis gratuitement en 1837 ; 57 pour 100 l’ont été en 1876-77. Les congréganistes admettent environ 2/3 de leurs élèves gratuitement et 1/3 avec rétribution. »
  4. Cf. Jourdain, ibid., p. 22, 143, 161.