Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 111.djvu/719

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une fois à propos du plus inoffensif des incidens. M. le président de la république va faire un petit voyage à Nancy pour assister à des fêtes de gymnastique. Il y aura sans doute quelque revue, mais sans aucun apparat ; il y aura aussi des discours, c’est vraisemblable. Les étudians de Nancy, à leur tour, ont profité de l’occasion pour avoir leurs fêtes, et en invitant des étudians de quelques universités étrangères, ils ont négligé d’inviter les étudians allemands. Il n’en a pas fallu davantage pour provoquer l’irascible humeur des journaux du teutonisme qui depuis quinze jours sont en campagne, signalant le voyage de M. Carnot comme une provocation, rudoyant la jactance française, menaçant les Alsaciens-Lorrains de toutes les rigueurs s’ils vont aux fêtes de Nancy. Quoi donc ! Est-ce que les Allemands ne célèbrent pas tous les ans avec toute sorte de manifestations l’anniversaire de Sedan ! Est-ce que l’empereur Guillaume ne va pas se promener et ne fait pas manœuvrer ses soldats à Strasbourg et à Metz ? Est-ce que la France cède à la puérile tentation de représenter ces faits comme des provocations ? Que les journaux allemands débitent leurs diatribes ; ils s’apaiseront, ils commencent déjà à s’apaiser. Les gouvernemens sont assez prudens pour ne pas trop prendre garde à ces futiles excitations, et les choses resteront ce qu’elles sont en Allemagne comme en France, comme dans tous les pays où il y a assez d’affaires pour qu’on ne s’arrête pas à des puérilités de polémistes surexcités.

Les fausses politiques ne font que des situations fausses, et dans les situations fausses il n’y a guère que des ministères d’expédient. Depuis que l’Italie s’est engagée à la poursuite de ses chimères de grandeur, elle a tout sacrifié à son idée fixe ; elle a épuisé toutes les combinaisons, et elle est peut-être aujourd’hui plus que jamais embarrassée pour trouver un gouvernement qui suffise à la tâche ingrate de soutenir un certain rôle diplomatique et militaire avec des dépenses toujours croissantes, et des ressources diminuées.

Un instant on a pu croire que M. di Rudini, venant après M. Crispi, s’était proposé, non pas de changer brusquement et radicalement la direction de la politique italienne, mais de tempérer cette politique. M. di Rudini n’a pas réussi, — et maintenant c’est M. Giolitti qui est chargé comme président du conseil de continuer l’expérience, de prendre à son tour la direction des affaires italiennes. Ce n’est point sans labeur et sans peine qu’il est arrivé à former un ministère, même en gardant le général Pelloux à la guerre et l’amiral Saint-Bon à la marine. Il a été obligé de négocier, de combiner des nuances, des susceptibilités, des intérêts régionaux. Enfin le nouveau ministère italien existe tel quel. Le président du conseil, M. Giolitti, est un Piémontais qui a passé par toutes les fonctions, magistratures, emplois financiers, avant d’être ministre. C’est un homme d’administration encore plus qu’un politique. Le nouveau ministre des affaires étrangères, M. Brin,