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une heure plus tard, elle restait une honnête femme. Et tenez, quand on voit avec quelle indulgence, quel soin jaloux, MM. Meilhac et Halévy ont pallié la faute de leur héroïne, on comprend mieux le dénoûment de leur œuvre. Il s’explique, non plus par des raisons de mélodrame, mais par des raisons plus hautes de logique morale, de charité, voire de justice. En réalité, dit-on, la pièce est terminée au quatrième acte. Non pas : finir ainsi, c’eût été punir Gilberte avec trop de rigueur. Si coupable que fût la légère petite créature, elle n’avait pas mérité de vivre solitaire et maudite ; elle était digne au moins de mourir repentante et pardonnée.

L’interprétation de Froufrou à la Comédie-Française est inégale. Mlle Marsy n’a réussi que dans les scènes violentes d’un rôle trop complexe pour son très simple talent ; elle apporte dans les autres quelque chose de dur et de rêche. Mme Barretta montre, au contraire, et comme toujours, beaucoup de tendresse, de charme et de grâce vertueuse. M. Le Bargy marque finement le passage de la galanterie à la passion, et M. Worms est sans rival dans l’expression de la dignité souffrante et de la douleur maîtrisée.


CAMILLE BELLAIGUE.