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de son milieu. Deux portraits de dames, l’une, d’âge moyen, vêtue de noir, par M. George Diéterle, l’autre, très âgée, à cheveux blancs, de M. Lucien Simon, d’une exécution libre et large, d’une expression émue, nous paraissent des ouvrages de coloristes très distingués. On voit qu’il y en a de toute sorte et pour tous les goûts ; cependant, nous ne nous sommes arrêté ni devant M. Yvon, ni devant MM. Frédéric Humbert, Doyen, Tony Faivre, Armand Dumaresq, Comerre, Axilette, Brun, Charpentier-Bosio, Galliac, Foubert, Aviat, Truphème, Priou et bien d’autres, jeunes ou vieux, connus ou inconnus, qui nous ont paru analyser, d’une façon intéressante, quelque physionomie contemporaine ; si la postérité ne nous connaît pas, ce ne sera vraiment pas notre faute, aucune génération ne lui aura fourni autant de documens sur son compte !

On sent le besoin de se remettre au vert quand on a dévisagé tant de gens ! Les arbres reposent des hommes. C’est bien ce que pensent les paysagistes de race ; ceux-là, d’ordinaire, ne peuplent guère leurs toiles, ou, quand ils y introduisent quelque figure, c’est par pure condescendance, presque à contre-cœur, pour les marchands et pour les bourgeois. Du temps des vieux Hollandais, il y avait des gens exprès pour étoffer, comme on disait, leurs paysages ; quand ils avaient besoin d’y introduire quelques paysans ou cavaliers, Ruysdaël ou Hobbema demandaient un coup de main à leurs amis romanisans. Cela ne produisait pas toujours de merveilleux résultats. De notre temps, nos paysagistes, avec raison, se chargent eux-mêmes de la besogne ; toutefois, on ne remplirait pas un gros village avec tout ce que Jules Dupré, Théodore Rousseau, Corot même, ont pu créer d’hommes, de femmes, d’enfans. Pour qui aime de cœur la nature extérieure, cette nature, même vide, lui suffit ; sa solitude, au contraire, est une de ses plus puissantes séductions. Aux Champs-Elysées comme au Champ de Mars, nos contemporains nous donnent des preuves nombreuses de leur passion désintéressée pour les beautés consolantes et salubres de la campagne et de la mer. Ces beautés, sans cesse renouvelées, toujours variables et toujours variées, sont de celles que l’observation accumulée des générations successives ne saura jamais épuiser ; chacun les comprend et chacun les exprime à sa manière. Il n’est donc pas de genre où la technique, comme le caractère même et la portée de la sensation, puisse se modifier autant que dans le paysage.

Pour les uns, cette sensation, vive et intime, se transforme en un rêve un peu vague qui se prolonge sur leur toile avec une douceur extrême. C’est le cas de presque tous les peintres de figures qui, associant le paysage à leur composition seulement comme fond et comme soutien, ne lui demandent qu’un effet complémentaire ou explicatif ; c’est le cas de presque tous les grands