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mais aucune d’elles ne saurait, pour la résolution et la fermeté du style, être comparée à Mme Parlaghy.

Le portrait le plus regardé est naturellement celui de Sa Sainteté le Pape Léon XIII par M. Chartran, et l’on ne saurait nier que cet artiste habile, ayant la bonne fortune d’avoir, devant lui, un tel modèle, a mis en œuvre, pour s’en montrer digne, toutes les ressources de son habileté. Quelle inoubliable figure à fixer pour l’avenir que ce grand vieillard, long vêtu de blanc, avec son long visage et ses longues mains, presque aussi blancs et plissés que sa robe ! Et ce visage, d’une pâleur si douce, tout illuminé par les feux vifs et ardens de ses yeux clairs et perçans comme un cierge par sa flamme ! Et ces mains, sèches, décharnées, presque exsangues, mais, en réalité, si robustes, si tenaces ! Comment dire, à la fois, de cette figure si pontificale et si italienne, toute l’affabilité et toute l’énergie, toute la noblesse et toute la finesse ? Comment surtout exprimer la profondeur singulière du sourire flottant sur ces grandes lèvres, minces et fanées, sourire énigmatique autant que celui de la Joconde, sans être pourtant ni le sourire ouvert et confiant de Pie IX, ni le sourire pincé et amer de Machiavel ? Un artiste de talent, un chrétien croyant, le graveur Gaillard, avait déjà tenté l’épreuve, et, sous le rapport de l’analyse intellectuelle et morale, il avait pénétré plus avant, si nous ne nous trompons, que son successeur. M. Chartran, de son côté, est un praticien plus expérimenté ; sa brosse est plus agile et plus souple que celle de Gaillard, qui travaillait toujours ses toiles, à coups de pointe et par hachures comme il travaillait ses cuivres avec son burin. Le Léon XIII de M. Chartran, en grandes dimensions, s’enlevant en blanc, sur un fond de rouges superposés, rouge du fauteuil, rouge des draperies, offre la belle tournure d’un portrait officiel, moins intime, mais plus décoratif, qui tiendra fort bonne place dans une salle d’audience ou de réception. Un autre bon portrait ecclésiastique, moins brillant, mais fort honnêtement étudié, est celui de M. l’abbé Hyvrier, supérieur de l’institution des chartreux, à Lyon, par M. Paul-Hippolyte Flandrin. C’est un ouvrage sérieux, d’un style simple et grave.

Les peintres se portraiturent volontiers eux-mêmes ou se laissent portraiturer par leurs parens, élèves ou amis. Cette année, ils n’ont pas abusé du moi, mais plusieurs se sont livrés à leur entourage. Nous devons à ces habitudes courtoises quelques bonnes effigies, celle de M. Lenepveu, par Mlle Berthault, sa nièce, celle de M. Demont-Breton, par M. Salgado, son élève, celle de M. Mottez, par son fils, toutes les trois à mi-corps. Le Portrait de M. Henner a été fait, au contraire, par un de ses aînés, par le vénérable et toujours vert M. Gigoux. M. Boulard fils a peint M. Vuillier