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étudient aujourd’hui, avec le plus de conscience et de perspicacité, les époques reculées de notre histoire nationale. On se souvient de sa Bataille de Cassel, en 1887, où le trouble et l’effarement des paysans vaincus et tapis dans un marais étaient rendus d’une façon si saisissante. Son tableau actuel, destiné à la ville de Paris, n’est pas de moindre mérite, comme restitution exacte et vivante d’une époque oubliée, l’étude des types n’y est pas moins judicieuse et fine ; mais la scène, forcément panoramique, ne se prêtait pas à ce parti-pris dans les groupemens qui est d’un si grand secours au peintre pour frapper nettement les regards : — « À ce poinct, dit la chronique, le roy moult regarda en la fontaine du Ponceau-Saint-Denys trois belles filles faisant personnaiges de siraines toutes nues et lui disant motets et bergerettes. Dessus estoit ung petit bois où il avoit hommes et femmes sauvaiges qui faisoient esbattemens en plusieurs manières ; » — M. Tattegrain a fort bien rendu, au milieu de ces hautes maisons pavoisées et garnies de têtes curieuses à tous les étages, cette bousculade de la foule qui se presse pour voir, mais dans ce pêle-mêle de bannières, de coiffures, de gestes, de visages, les deux groupes principaux de la scène, le jeune roi, à cheval, sous un dais, se penchant vers les sirènes, et le groupe même des sirènes un peu malingres, très parisiennes, disparaissent et s’effacent. Le tout manque un peu, dans l’exécution dernière, de vivacité et d’éclat ; au mois d’août, même dans la rue Saint-Denis, le soleil pétille et chauffe davantage. Il y a là un très sérieux travail de bibliothèque et d’atelier ; mais, pour cette fois, M. Tattegrain, qui connaît pourtant et comprend si bien le plein air, ne nous l’a point exprimé dans la saison chaude et éclatante. L’œuvre, une fois en place, n’en sera pas moins une des plus curieuses que contiendra l’Hôtel de Ville.

Nous ne savons si, dans la pensée de M. Cormon, son tableau des Funérailles d’un chef à l’âge de fer est une œuvre définitive ou seulement la préparation, très poussée, d’une toile de grande dimension. La multiplicité des figures qui s’y agitent et la tournure épique de quelques-unes d’entre elles semblent prêter à cette dernière supposition. Quoi qu’il en soit, cette composition, très mouvementée et néanmoins clairement présentée, est une des meilleures qu’ait exécutées cet artiste, dont l’imagination curieuse et cultivée se promène volontiers dans la période préhistorique. L’entassement des acteurs n’enlève rien au caractère, très cherché, de leurs types particuliers ; l’exécution, précisant à la fois les formes et sachant aussi les envelopper, comme il sied, dans l’air et dans la lumière, est plus sûre, plus vive, plus libre. Le paysage boisé, enfermant la vallée, où se dresse le haut bûcher du chef au milieu d’une foule gesticulante et hurlante, est traité avec l’exactitude