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Non, il n’est pas besoin de consulter les pédans arriérés des décadences académiques pour retrouver, par l’étude attentive de la structure humaine, le sentiment fort ou délicat de la forme et de la beauté. La consultation intelligente de la nature et des maîtres simples et sains y peut suffire. Or, cette consultation n’aura jamais pour conséquence de montrer, entre le dessin et la couleur, entre le fond des choses et leurs apparences, entre les organismes et leur fonctionnement, une séparation et une hostilité qui seraient la négation même de la vie. Qu’un artiste, suivant les indications de son tempérament, suivant les exigences de son sujet, à cause même de l’impossibilité où se trouve le plus puissant génie de rendre tout ce qu’il voit et tout ce qu’il sent, incline plus ou moins dans tel sens, cela est juste et fatal ; mais, dès qu’il prétend faire œuvre de peintre, il ne saurait, sans s’affaiblir singulièrement, renoncer à ce qui est la raison même de la peinture, à son harmonie, avant tout, et ensuite, suivant le cas, à son éclat, à sa vivacité, à sa solidité. Comme depuis un certain nombre d’années, par suite d’une conception incomplète du rôle de la peinture décorative et même du rôle des tableaux portatifs, le goût du dessin précis et serré et celui des colorations franches et chaudes se sont également perdus dans les écoles et dans le public, il n’est pas surprenant devoir se débattre, en des tentatives inquiètes, ceux qui, revenant à des idées plus justes, cherchent à reprendre leur équilibre. Les compositions mythologiques ou fantaisistes dans lesquelles MM. Henri Royer, Le Quesne, Verdier, Suran ont groupé un certain nombre de figures nues témoignent à cet égard d’un effort intéressant. Dans la Scène de la vie de Bacchus, par M. Henri Royer (c’est la vieille histoire de Silène sur son âne), les figures sont vives, bien groupées, quelques-unes d’un dessin ferme et souple, avec de l’entrain, de l’esprit et un accent déjà personnel ; pour le moment, non plus que l’un de ses maîtres, M. Flameng, M. Henri Royer n’a pas dans sa couleur autant de vivacité que dans son dessin. On voit pourtant qu’il cherche aussi de ce côté : un petit portrait de dame en blanc, dans un intérieur blanc, délicatement étudié, un peu à la façon de M. Friant, portant la même signature, laisse à penser qu’il faut retenir, pour l’avenir, le nom de ce jeune homme. MM. Verdier et Le Quesne, que nous avons naguère signalés, ne faiblissent pas dans leurs convictions, tant s’en faut ; leurs études assez importantes de groupes féminins marquent même certains progrès. Dans les Échos du premier, parmi ces jolies filles penchées, le long du bois, sur la vallée, pour répéter malicieusement le cri du chasseur, se trouve plus d’une figure bien jetée et bien entrevue ; dans la Toile d’araignée du second, avec des visées plus