et de férocité. On en retrouve les cruels accens jusque dans les poèmes pieux, tels que l’histoire de Judith, et dans les pages monotones des annales nationales. Le moine anglo-saxon, qui rédige dans sa cellule la chronique de l’année, sent, lui aussi, son sang brûler à la pensée d’une grande victoire, et au milieu de la prose tranquille qui sert à l’enregistrement des éclipses de lune et des meurtres de rois, on voit tout à coup bondir les vers d’une ode enthousiaste et bruyante : « Cette année, le roi Æthelstan, seigneur des comtes, distributeur d’anneaux aux guerriers, et son frère aussi, Edmond le prince, ont gagné, à coups d’épée dans la bataille, de la gloire pour leur vie à Brunanbruh ! .. Les gens d’Ecosse et les rameurs du nord tombaient pour mourir. Le champ ruissela du sang des guerriers, depuis le moment où le soleil au matin, radieuse étoile, glissa au-dessus de la terre, — flambeau lumineux de Dieu ! — jusqu’à ce que la noble créature disparût à son coucher. » Le poète décrit la défaite de l’ennemi, sa fuite et le massacre, et il convoque avec des cris de joie, les vols d’oiseaux sauvages, le corbeau sombre au bec de corne, l’aigle à la queue blanche, le faucon vorace, pour se partager les cadavres. Jamais on ne vit massacre si magnifique « depuis le temps où les Angles et les Saxons vinrent ici de l’Orient et gagnèrent la Bretagne à travers le vaste océan, fiers et sanglans ouvriers, hommes avides de gloire, vainquirent les Gallois et gagnèrent le pays ! » Le cœur de l’écrivain se dilate au souvenir de tant de cadavres, d’un si beau carnage, de tant de sang ; il est heureux et radieux ; son âme est satisfaite, comme l’âme des poètes d’une autre époque et d’un autre pays à la pensée de sentiers « où le vent balaya des roses. »
Ces hommes puissans se plaisent, comme leurs parens d’outremer, aux rudes balancemens, et passent tout d’une pièce des extrémités de la joie aux extrémités de la peine ; les atténuations sereines, familières aux peuples du Midi, du siècle de Périclès au siècle de Louis XIV, leur sont inconnues. Le récit des exploits héroïques, tels que ceux du roi Waldere ou du guerrier goth, Beowuif, destructeur du monstre Grendel, sauveur de Hrothgar le Danois, les transporte d’admiration. Ils ont conservé son souvenir dans leur nouvelle patrie et lui consacrent le plus long de leurs poèmes qui nous soit parvenu. Le milieu, les sentimens, les mœurs, la conception de la vie, sont les mêmes que chez les héros du Corpus poeticum. Beowuif écrase tout ce qu’il touche ; dans ses combats, il détruit les monstres ; dans ses conversations, il culbute ses interlocuteurs ; ses reparties n’ont rien d’ailé, ce ne sont pas des coups de flèches, mais des coups de massue. Hunferth lui reproche de n’être pas le meilleur nageur de la terre ; Beowuif