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nos bigots, nous aussi, et notre secte de béats, et jamais il n’a parlé d’un moine ou d’un jésuite avec plus d’aigreur que d’un certain

…… pieux cafard, cagot et triple saint,
Vieux vétéran, maquignon de Calvin…

A toutes les églises, il reproche le crime de la persécution de l’esprit. C’est l’église catholique qui allume à Madrid

….. ces bûchers solennels
Où, pour l’amour de Dieu, on brûle les mortels…

Par elle

L’esprit libre français, l’éloquence hardie
Sous le joug monacal languit abâtardie.

C’est elle qui endort l’Autriche dont le César, au moment même où Frédéric écrit ces vers,

…… fugitif en Hongrie,
Fuit le dieu des combats en invoquant Marie…

Mais ces églises protestantes, qui jadis portaient au ciel la plainte de leur foi opprimée, valent-elles mieux que la catholique ? Elles ont des docteurs furieux qui embrouillent leurs disputes et les enflent de mots barbares ; elles cachent sous la sainte humilité le fiel, l’ambition et l’orgueil ; et enfin elles n’ont cessé d’être persécutées que pour devenir persécutrices.

Ainsi la liberté, si naturelle à l’homme,
Est maudite à Genève et condamnée à Rome ;
Ainsi l’homme à penser du ciel autorisé
De l’église est puni parce qu’il a pensé.

Frédéric s’échauffe si fort en sa colère qu’il en oublie les mœurs du style noble et compare l’Europe, asservie par tous ces sacerdoces, où l’âme en vain,

esclave rétrécie,
Cherche encor le ressort de son libre génie,

à une cage de serins.

Il y a, dans sa haine, comme une progression continue. Frédéric