peut plus la contenir, ni la tactique des légions, ni les défaites subies, ni les fleuves, ni les montagnes, ni les dangers de l’océan inconnu Les Francs, avant de s’établir dans la Gaule, la traversent une fois tout entière, passent les Pyrénées, ravagent l’Espagne et vont se perdre en Mauritanie. Transportés une autre fois en grand nombre sur les bords du Pont-Euxin et chargés imprudemment par les Romains de défendre la frontière, ils s’embarquent, pillent les villes d’Asie et du nord de l’Afrique et reviennent à l’embouchure du Rhin. En 406, les Gaules sont inondées de barbares, Vandales, Saxons, Burgondes, Alamans ; les incendies s’allument sur tous les points du territoire ; le bruit d’un empire qui croule vient jusqu’à saint Jérôme, réfugié à Bethléem, et le solitaire déplore, dans une page éloquente, le désastre du monde antique. « Qui l’eût pu jamais croire, qu’un jour viendrait où Rome verrait la guerre à ses portes et combattrait, non pour la gloire, mais pour son salut ? que dis-je même, combattre ? paierait de ses trésors la rançon de sa vie ! »
Les grands départs se firent par l’ouest et par le nord, dans la direction des Gaules et des îles Britanniques. Un sort commun attendait encore une fois les deux pays : après la conquête romaine commençait pour eux la conquête germanique. L’établissement des Germains en Gaule devint permanent dès la fin du IVe siècle, et, dès ce moment, les envahisseurs se battent aux côtés des Romains pour repousser les nouvelles invasions de leurs frères d’outre-Rhin. C’est ainsi qu’on vit, en 451, des Visigoths dans l’armée d’Aetius et des Ostrogoths dans le camp d’Attila. Il était de même réservé plus tard à Charlemagne le Franc d’accomplir ce que les proconsuls n’avaient pu faire, la conquête de toute la Germanie.
Le même mouvement d’émigration avait lieu du côté du nord. Montés sur leurs navires de vingt à vingt-cinq mètres de long sur quatre à cinq de large, et dont on peut voir un spécimen au musée de Kiel, les riverains de la Baltique et de la Mer du Nord avaient organisé d’abord des expéditions pour le pillage ; ils venaient périodiquement ravager les côtes de la Grande-Bretagne, et les habitans avaient appelé cette région, à cause d’eux, Littus saxonicum. A chaque voyage, les pirates trouvaient la résistance moins forte et le pays plus désorganisé. Dans le cours du Ve siècle, ils virent qu’il n’était plus besoin de retourner annuellement à leurs marais et qu’ils pouvaient demeurer sans crainte, en toute saison, à portée du butin. Ils se fixèrent d’abord dans les îles, puis sur les côtes, et peu à peu dans l’intérieur. Il y avait parmi eux des Goths ou Jutes du Danemark (Jutland), des Frisons, des Francs, des Angles du Schleswig, des Saxons du vaste pays compris entre l’Elbe et le Rhin.