œuvre, et ne s’est jamais consolée de fortifier ceux qu’elle redoute et d’affaiblir ceux qu’elle sait siens. Dès que tous, soumis au régime établi, se diviseront seulement sur les doctrines de gouvernement, elle aura enfin le droit d’obéir à ses répulsions et à ses sympathies, toujours vivantes. Ce jour-là la sincérité rentrera dans notre politique. Le parti conservateur, ayant éteint ses divisions, aura repris toute sa force ; le parti révolutionnaire, diminué de ses contingens factices, sera réduit à la sienne, et chacun combattra sous son drapeau.
Dès que ce mouvement se produira dans la nation, l’attitude des hommes publics sera modifiée par contre-coup. Si la coalition des conservateurs et révolutionnaires se rompt, les élus qui doivent à cette coalition leur succès verront s’écrouler par la base leur fortune politique. Les républicains qui doivent leur mandat à une majorité de modérés, sous peine d’être abandonnés par le gros de leurs partisans, seront contraints de le suivre dans son évolution conservatrice ; leur seul avenir sera de regagner à droite les voix qui leur manqueront à gauche, c’est dans le parti conservateur reconstitué qu’est pour eux la vie, non-seulement la vie, mais la puissance. Car s’ils ont besoin de lui, il a besoin d’eux : si ardente que soit la réaction vers l’ordre, les hommes d’ordre républicains ne confieront pas les rênes aux monarchistes de la veille, et ceux-ci verront au pouvoir leurs idées avant leurs personnes. Les conservateurs d’origine qui aux heures critiques ont donné des gages à la république sont, malgré leurs défaillances, les chefs nécessaires du mouvement. Pour eux, quelle fortune ! Dépouillés de considération et d’influence, traités en parens pauvres dans la république, ils verront un grand parti leur offrir la force en ne leur demandant que du courage ; prisonniers des révolutionnaires, ils pourront avec l’armée qui leur apportera la délivrance devenir à leur tour les maîtres ; au lieu des honteuses capitulations qui rachetaient pour quelques jours leur existence condamnée, la chance leur sera offerte de défendre en même temps leurs intérêts et leurs doctrines, et de fonder un pouvoir solide sur la reconnaissance de leurs véritables amis. Admettre qu’ils préfèrent s’obstiner à la fois contre l’ambition et la conscience, s’avilir aux yeux des autres, à leurs propres yeux, par délectation pure et par point d’honneur, c’est pousser au superflu le mépris des hommes publics.
Et dans cette voie nouvelle, si hésitans soient-ils d’abord, ils iront vite et jusqu’au bout : la force des situations suppléera à la faiblesse des caractères. Le jour où les chefs du parti révolutionnaire n’auront plus à compter en France que sur les suffrages révolutionnaires, le reste des ménagemens témoignés encore aux scrupules des