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s’est élevée dans la nuit, lumen in cœlo. Si un homme au monde souffre de toutes les blessures faites à l’Église, aspire d’un désir qui est devenu sa vie à la paix et à la puissance pour l’Église, a compétence pour juger l’avantage et les périls de l’Église, cet homme est le pape. Le pape vient d’enseigner le devoir. Il a choisi l’instant où les haines sectaires grandissent contre les catholiques pour adresser aux catholiques l’invitation solennelle d’accepter le régime républicain. Et dans un enseignement qui n’a pas besoin de rien imposer à la foi, tant il convainc la raison, le pape a démontré qu’adhérer à un régime n’est pas se soumettre aux factions injustes, mais se donner contre elles des armes légales. C’est au nom de la religion en péril qu’il adjure les chrétiens d’accepter la république, c’est-à-dire de rendre leur opposition efficace, et possible leur avènement au pouvoir. Où est le chrétien assez docte et infaillible pour préférer ses espoirs, ses regrets et ses desseins particuliers aux avis d’un tel conseiller ? Quelle conscience de catholique a droit de déclarer inacceptable ce qu’accepte la conscience d’un pape ? Si le catholicisme est ce qui divise le moins les monarchistes, et si de toutes les questions engagées dans les conflits présens, la plus importante est la question religieuse, la soumission à l’arbitre de l’intérêt religieux ne devient-elle pas l’intérêt des politiques ? Surtout pour réunir les esprits dispersés, n’est-ce rien que l’aide du pouvoir gardien de l’obéissance et de l’unité ? Les hommes d’État, pauvres pêcheurs d’hommes, ne savaient comment saisir une à une, et sentaient fuir entre leurs mains les volontés glissantes, voici venir à eux la barque aux grands filets, les filets où se prennent d’un coup les multitudes.


IV

La république acceptée par les monarchistes, quels résultats suivraient ?

Un d’abord, certain et, fût-il le seul, de capitale importance : l’accession des royalistes à la république divisera les républicains.

A l’heure présente, ceux-ci forment une seule armée que les plus violens commandent. « Lentement, mais sûrement, » la démagogie monte et n’a pas même à combattre pour vaincre. Autrefois, sous la direction de M. Thiers, des hommes d’ordre authentiques, ralliés au nouveau régime, en interdisaient l’accès aux idées dangereuses ; mais bientôt ce parti, comme son chef, s’est éteint sans postérité. Dans toute l’étendue de la France, plus de