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dans la troisième classe de l’Institut, Sylvestre de Sacy publie sa grammaire arabe ; que Langlès continue ses études persanes, indiennes et tartares ; que Quatremêre de Quincy, expliquant la structure des grandes statues chryséléphantines, reconstruise par conjecture la superficie d’ivoire et l’armature interne du Jupiter olympien ; que D’Ansse de Villoison découvre à Venise le commentaire des critiques alexandrins sur Homère ; que Larcher, Boissonnade, Clavier, à côté de Coraï, publient leurs éditions des vieux auteurs grecs : rien de tout cela n’est un embarras, et tout cela est un honneur pour le gouvernement. Promoteur déclaré, patron officiel et directeur responsable de la science, de l’érudition et des talens, leur éclat rejaillit sur lui : partant, dans son propre intérêt, il les favorise et les récompense : Laurent de Jussieu et Cuvier sont conseillers titulaires de l’Université, Delambre en est le trésorier, et Fontanes en est le Grand-Maître. Delille, Boissonnade, Royer-Collard et Guizot professent à la faculté des lettres, Biot, Poisson, Gay-Lussac, Haüy, Thénard, Brongniart, G. Saint-Hilaire a la Faculté des sciences, Alonge, BerthoUet, Fourier, Andrieux à l’École polytechnique, Pinel, Vauquelin, de Jussieu, Richerand, Dupuytren à l’École de médecine ; Fourcroy est conseiller d’État, Laplace et Chaptal, après avoir été ministres, deviennent sénateurs ; en 1813, il y a au Sénat vingt-trois membres de l’Institut ; le zoologiste Lacépède est grand-chancelier de la Légion d’honneur ; et cinquante-six membres de l’Institut, décorés d’un titre impérial, sont chevaliers, barons, comtes, ducs ou même princes[1]. — Cela même est un lien de plus, excellent pour les mieux rattacher au gouvernement et les incorporer plus avant dans le système ; en effet, c’est du système et du gouvernement qu’ils tirent maintenant leur importance et leur subsistance ; devenus dignitaires, fonctionnaires, en cette double qualité ils ont une consigne ; désormais, avant de penser, ils feront bien de regarder en haut, du côté du maître, et de savoir jusqu’à quel point la consigne leur permet de penser.

A cet égard, dès le premier jour, les intentions du premier consul sont manifestes : dans sa reconstruction de l’Institut[2], il a supprimé « la classe des sciences morales et politiques, » partant, les quatre premiers compartimens de la classe, « analyse des sensations et des idées, morale, science sociale et législation, économie politique ; » dans l’arbre de la science, il retranche cette

  1. Edmond Leblanc, Napoléon Ier et ses institutions civiles et administratives, p. 225 à 233. — Annuaire de l’Institut pour 1813.
  2. Loi du 25 octobre 1795, et arrêté du 23 janvier 1803.