Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 111.djvu/484

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dynamite et il s’agissait de savoir ce que recelait de menaçant pour l’ordre public cette date du 1er mai, dont les socialistes avaient fait un épouvantail. Rien de ce que l’on redoutait ne s’est produit le 1er mai ni les jours suivans. La spéculation est alors, sans perdre de temps, entrée en campagne, et un mouvement général de hausse a été développé pendant la première quinzaine du mois.

La liquidation s’est effectuée en hausse avec des taux de report très réduits sur la grande majorité des valeurs et du déport sur le reste. L’attente du 1er mai avait conduit à la formation d’un découvert important sur nos rentes, sur la plupart des fonds étrangers et sur un assez grand nombre d’actions de banque, de transports ou d’industrie. L’impulsion donnée par les acheteurs, au moment même de la liquidation, a déterminé des rachats précipités qui ont été le facteur principal de la hausse ultérieure.

Entre les deux liquidations de fin mars et de fin avril, le 3 pour 100 ancien avait été porté de 96.80 à 97.10, l’emprunt de 96.70 à 97.10 et l’amortissable de 97.25 à 98 francs. Depuis le 2 mai, on a poussé le premier fonds à 97.75, le second à 97.90, le dernier à 98.35.

Les raisons générales qui expliquent ce mouvement continu d’amélioration des cours sur nos fonds publics ont été maintes fois énoncées et sont toujours actives. S’il est vrai que les capitaux affluent avec moins d’abondance aux caisses d’épargne depuis le commencement de l’année et que la Caisse des dépôts et consignations ait par conséquent moins à acheter qu’en 1891, il est impossible de ne pas être frappé de la masse croissante des capitaux dans tous les autres centres d’accumulation. A la Banque d’Angleterre, bien que le taux d’escompte ait été abaissé à 2 pour 100, l’encaisse métallique dépasse 24 millions de livres sterling, et le taux de loyer de l’argent sur le marché monétaire libre est presque ridiculement bas. A la Banque de France, le papier d’escompte se fait de plus en plus rare ; en revanche, l’encaisse dépasse 2,700 millions de francs, et le stock d’or seul est maintenant supérieur à 1,500 millions de francs. Dans la dernière semaine, il s’est accru de 43 millions. Les comptes de chèques grossissent sans cesse au Crédit lyonnais, à la Société générale, au Comptoir national d’escompte.

Pendant ce temps les obligations de nos grandes compagnies ont atteint des cours qu’aucun de leurs détenteurs, il y a deux ou trois ans, n’eût osé rêver. Depuis que la chambre syndicale des agens de change de Paris, afin de rendre quelque activité aux affaires devenues trop languissantes pour rester rémunératrices, a décidé, au commencement de ce mois, d’admettre en bloc, aux négociations à terme, les obligations de nos grandes compagnies, celles des Chemins d’Algérie et presque toutes les catégories d’obligations des compagnies étrangères de chemins de