vives, sinon des plus claires, à cette révision constitutionnelle, dont les élections prochaines diront le dernier mot.
Qu’est-ce, en effet, que cette discussion qui vient d’occuper le parlement de Bruxelles et où se sont succédé le président du conseil, M. Beernaert, M. Frere-Orban, M. Wœste, M. Nothomb, M. Paul Janson, les libéraux, les catholiques, les radicaux ? Ce n’est rien de plus qu’un préliminaire, ou, si l’on veut, une occasion offerte à tous les partis de dire leur mot sur la révision, sur le referendum royal, sur le suffrage universel, sur la constitution du sénat, — et aussi de dévoiler leurs divisions. Jamais peut-être les divisions ne furent plus vives et plus profondes dans un parlement. Ce n’est pas sur le principe même de la révision qu’il y a des dissentimens, ce principe est désormais à peu près universellement admis. On s’est décidé ou résigné à toucher à cette constitution de 1830 à l’abri de laquelle la Belgique a vécu indépendante et libre depuis soixante ans, et, puisqu’il le fallait, le président du conseil lui-même, M. Beernaert, a cru prudent ou habile de prendre la direction de la campagne. La révision, soit ! mais c’est sur la mesure et le caractère de la révision qu’ont éclaté ces divisions, dont le parlement de Bruxelles vient d’offrir le singulier spectacle. Le fait est qu’au camp libéral, M. Frere-Orban n’est point d’accord avec M. Paul Janson, qui lui-même est dépassé par ses amis les radicaux. Au camp conservateur, M. Beernaert, chef d’un cabinet catholique, ne s’entend ni avec M. Nothomb, ancien président de l’association catholique, sur le suffrage universel, ni avec M. Wœste, un des chefs ardens du parti, sur le referendum royal. On a fini malgré tout par arriver à une sorte d’entente sur un programme de révision. Quelques articles ont pu être votés sans trop de difficultés. Quant au referendum, ce n’est pas sans peine qu’il a été admis aux honneurs du programme ; il a failli rester en chemin ! Aujourd’hui, c’est fait, le parlement a voté son programme. Ce n’est cependant encore qu’un commencement. Après l’œuvre du parlement, vont venir les élections de la chambre constituante, qui décidera de la révision, de concert avec le sénat. Après l’œuvre constitutionnelle, on aura encore à voter une loi organisant le suffrage universel, et après cette loi reviendront encore des élections pour nommer le parlement nouveau du régime reconstitué ! De sorte que, dès ce moment, on peut le dire, la Belgique entre dans une crise où toutes les institutions vont être remises en doute, livrées à l’ardeur des polémiques et des discussions. C’est certainement une grave aventure. M. Beernaert a déployé jusqu’ici une singulière dextérité à travers tous ces partis qui se préparent à la campagne électorale, qui se disputent déjà les fruits de la révision. Il sera, il faut l’avouer, un ministre heureux s’il réussit à conduire son œuvre jusqu’au bout, sans accident, sans péril pour la fortune de la Belgique.